Dépolluons le débat sur GNL

Le sophisme est un procédé rhétorique vieux comme le monde, qui consiste à présenter une fausseté comme étant vraie, en l’habillant d’une apparente rigueur. L’ancien député et ministre Jacques Brassard nous y avait habitué en prétendant que la go-gauche était au pouvoir alors que le capitalisme sauvage battait son plein et que nos élus s’aplaventrissaient devant lui. Ce n’est pas très surprenant que les politiciens se servent abondamment des sophismes pour tromper la population sur leur véritables intentions. Mais ce qui déçoit, c’est lorsque des gens qui se targuent d’appartenir au monde scientifique, voire universitaire, utilisent les sophismes assortis du mépris, pour défendre une cause comme celle du méthane. C’est ce qu’a fait Pierre Charbonneau, ingénieur et auxiliaire d’enseignement à l’UQAC, dans une lettre publiée dans le Quotidien du 3 mars 2021.

Alors qu’il vante les « bienfaits du projet pour la région et pour le monde entier », M. Charbonneau ignore volontairement que les scientifiques qui se sont prononcés sur le projet GNL dans le cadre des consultations du BAPE, l’ont rejeté comme étant des plus nuisibles, et loin d’être contributif à la lutte aux changements climatiques, comme le prétendent le promoteur et ses porte-voix.

L’immense majorité des scientifiques ont en effet contredit devant le BAPE les propos de M. Charbonneau, selon lesquels, « Le gaz naturel est le remplaçant de premier choix des sources d’énergie indésirables ».

Affirmant que « les élus de Saguenay ont brillé par leur silence », M. Charbonneau les avertit qu’ils auront à en répondre. Pourtant, ces derniers ont approuvé l’utilisation de plus de 145,000 $ des fonds municipaux pour commander des études en vue de favoriser l’acceptabilité sociale des grands projets et appuyer l’organisme bidon Je crois en ma région dans le but de faire croire, en vain, à un appui de la population.

Notre ingénieur universitaire continue en dénonçant « l’intimidation des opposants par leur envahissement médiatique ». Les opposants ont fait valoir leur point de vue, tout comme les promoteurs du projet. Mais si l’on veut parler d’intimidation, l’on pourrait se référer à la manifestation d’une centaine de militants pro-GNL à laquelle a participé M. Charbonneau portant des gants en cuir malgré la température de 18 degrés, ridiculisant, encerclant et poussant les quelques opposants venus présenter une installation humoristique à l’occasion de l’ouverture des séances du BAPE le 21 septembre dernier. S’agitant agressivement à la face des gens, leur criant après, les encerclant et réussissant à empêcher des entrevues avec les médias, ainsi que la présentation des opposants. Qui intimide qui M. Charbonneau ?

En plus de menacer à mot couvert les élus de Saguenay, M. Charbonneau avertit les élus du parti au pouvoir à Québec, que s’ils refusent d’aller de l’avant avec l’exportation du méthane sale de l’Alberta, malgré un hypothétique refus du BAPE, ils s’en souviendront lors des prochaines élections, car dit-il, « nous constituons la majorité votante ». Pourtant, il a été démontré que les 85% d’appui dont se vantent les pro-GNL, en faisant une interprétation – peu scientifique en passant – des sondages, ne tiennent pas la route. La population de l’ensemble du Québec, le Saguenay—Lac-Saint-Jean y compris, est très inquiète du réchauffement climatique et est favorable à une transition rapide vers les énergies propres.

Enfin, que vaut l’argument des emplois dans une usine de liquéfaction de méthane (énergie fossile) qui contribue au réchauffement, tout en accaparant l’électricité dont on sait qu’elle se fera plus rare et qu’elle serait mieux utilisée dans la transition que pour la pollution. Tout comme la main-d’œuvre, qui est en pénurie dans presque tous les domaines, serait mieux utilisée dans des emplois plus utiles et durables.

Les sophismes ont la couenne dure, au pays colonisé par la grande industrie et les investisseurs étrangers. Ce n’est pas vrai finalement, que de répéter sans cesse un mensonge, cela en fait une vérité. Ce qui peut arriver toutefois, c’est que le choc de la réalité soit brutal et qu’il fasse mal, tôt ou tard.

Et surtout si l’on se réclame de la science, mieux vaut à tout le moins se garder une petite gêne avec la rhétorique sophiste.

Le monde a déjà changé et il ne faudrait pas manquer le train parce qu’on attend un bateau qui ne viendra pas.

Pierre Dostie

Citoyen de Saguenay

Carrefour des lecteurs du Quotidien, le 10 mars 2021

Publié par pdostie

Militant politique depuis une cinquantaine d'années dans le mouvement syndical, communautaire et de solidarité internationale. Après un intense engagement dans le processus de rassemblement et d'unification de la gauche québécoise ces 25 dernières années, je me consacre en ce moment aux luttes du mouvement écologiste devant l'urgence climatique actuelle. Comme père et grand-père, je m’inquiète pour l’avenir de l’humanité et je m’inquiète aussi de l’humanité elle-même, qui se fracture sur des bases imprévues, où les débat d’idées, le jugement, la nuance et la tolérance se font rares. Dans ce combat pour l’égalité, la justice sociale et le triomphe du bien commun, nous avons besoin de paroles radicalement rassembleuses.

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