Pierre Dostie. Militant politique et membre du Mouvement Onésime-Tremblay1
Article paru dans la revue Nouveaux cahiers du socialisme, no 34, automne 2025.

Usine Rio Tinto d’Arvida. Photo: Mishell Potvin.
L’histoire du Saguenay-Lac-Saint-Jean est d’abord marquée par le peuplement de colons, le commerce de la fourrure, l’agriculture, la coupe de bois, puis par la domination de quelques grandes entreprises qui ont exploité, et qui exploitent encore, nos richesses naturelles, notamment dans les domaines du bois et de l’aluminium, au détriment de l’environnement et du bien-être de la population, avec la complicité active des gouvernements.
Faire le bilan de 100 ans d’exploitation par la compagnie Alcan-Rio Tinto sur le territoire du Saguenay-Lac-Saint-Jean est une entreprise colossale, nous n’avons pas la prétention de viser cet objectif. Nous nous limiterons à donner quelques exemples frappants d’une domination sans scrupule, applaudie par ceux et celles qui devraient plutôt se tenir debout pour défendre le bien commun et nos richesses collectives.
Le modus operandi est celui-ci : on planifie une action en catimini avec la complicité d’élu·e·s locaux et de l’Assemblée nationale2, puis on place la population devant le fait accompli en faisant miroiter des emplois et du progrès, et on légalise ensuite l’opération, rétroactivement s’il le faut, tout en ostracisant les opposants et opposantes. C’est ce qu’on a fait lors de la tragédie du lac Saint-Jean en 1926.
La tragédie du lac Saint-Jean
Le Piékouagami3 avait déjà été rebaptisé lac Saint-Jean par Jean de Quen en 1647, en hommage à son saint patron, Jean le Baptiste. Il perdra plus tard son statut de lac pour devenir un réservoir le 24 juin 1926. La compagnie Alcan, en implantation dans la région, avait besoin d’électricité pour sa nouvelle usine d’Arvida (aujourd’hui incorporée à la ville de Saguenay). Elle avait acquis quelque temps auparavant la compagnie Duke-Price Power, qui avait fait construire cinq barrages avec évacuateur de crue à la sortie du lac, dont celui de l’Isle-Maligne, qui a la capacité de réguler le niveau du lac. Cette transaction incluait les droits hydrauliques et la gestion de l’élévation du lac Saint-Jean et d’une partie de la rivière Saguenay entre Alma et Shipshaw.
Ayant reçu dans le secret le plus total l’autorisation du gouvernement libéral de Louis-Alexandre Taschereau de hausser le niveau du lac à la cote maximale de 17,5 pieds, soit 10 pieds de plus que le niveau moyen, Alcan ne procéda à aucune entente d’expropriation avant la fermeture des vannes en 1926. C’est sans avertissement, et ironiquement le jour de la fête de la Saint-Jean-Baptiste, que la compagnie ferma les vannes du barrage de l’Isle-Maligne et laissa l’eau monter tout bonnement. Les quelque 940 cultivateurs aux abords du lac, qui s’enorgueillissaient d’avoir les plus belles terres au monde, si bien que l’on désignait la région comme le « grenier du Québec » – ce dont pouvaient témoigner les nombreux prix agricoles qu’ils remportaient chaque année à l’échelle nationale – perdirent subitement en tout ou en partie leurs terres, soit 60 000 acres. Onésime Tremblay, qui prit la tête du mouvement du Comité de défense, perdit lui-même la plus belle forêt de 150 acres d’ormes de la région, dans le secteur de Couchepagane4 (secteur de la Belle Rivière formant le Grand Marais), à Saint-Jérôme (aujourd’hui Métabetchouane et Saint-Gédéon). Cette tragédie humaine, commise sans avertissement et dans l’illégalité, inonda de nombreuses villes et villages, affectant sérieusement leur fonctionnement, jusqu’à amener leur fermeture et disparition, comme celle du village de Bien-Heureuse-Jeanne-D’arc. C’est en mars 1927 que le premier ministre Taschereau fit adopter une loi expropriant les sinistrés et ordonnant leur indemnisation par l’intermédiaire d’une commission chargée d’en fixer le montant sans droit d’appel5. Cette loi légalisera rétroactivement ce qui avait été fait illégalement un an plus tôt, avec l’appui des conseils municipaux de Chicoutimi, d’Alma et d’autres élus régionaux.
Onésime Tremblay, ayant dépensé une fortune en frais juridiques pour défendre sa cause et celle des cultivateurs, a finalement tout perdu : sa ferme, sa maison, ses animaux. La compagnie, sachant qu’elle avait été ignoble envers lui – elle lui avait offert 7 000 $ pour sa terre qu’il évaluait à 168 000 $ – a offert à le compenser plusieurs années plus tard : elle lui offrit un chèque en blanc où il aurait pu inscrire le montant qu’il voulait. Onésime Tremblay refusa catégoriquement ce chèque en blanc de la compagnie, car ce qu’il désirait plus que tout était de récupérer sa terre et sa forêt : « Aussi longtemps que ceux qui sont chargés de protéger la société seront complices des compagnies qui veulent tout dominer chez nous, il n’y aura pas de changement. Mais en attendant, nous, nous lutterons jusqu’au bout. Ces choses-là devraient être connues du public6 ».
Cette tragédie a marqué les débuts de la relation entre Alcan, et, plus tard, Rio Tinto, et sa région d’adoption. Elle a contribué à consolider une culture régionale de soumission aux capitalistes sans scrupule chez de nombreux élu·e·s des divers paliers de gouvernement7. Elle a également vu naitre un héros, un symbole de résistance, celui d’Onésime Tremblay, qui inspirera 100 ans plus tard la fondation d’un Mouvement portant son nom.
Le bail de la rivière Péribonka
Onésime Tremblay et son comité de défense ont proposé de construire des barrages sur la rivière Péribonka, dans cette région moins habitée, plutôt que de rehausser le niveau du lac, ce qui limiterait les dommages au Piékouagami, mais cela au détriment des Innus. L’idée fut reprise par Alcan, qui ne se contenta pas d’avoir rehaussé le lac, considérant ses besoins énergétiques en devenir. Dans les années 1950, la compagnie obtint les droits hydrauliques sous forme de bail sur la rivière Péribonka et y fit construire trois centrales : Chute-du-Diable, Chute-à-la-Savane et Chute-des-Passes. Tout comme les entreprises forestières de l’époque qui produisaient leur électricité, Alcan a échappé à la nationalisation de l’électricité en 1963 en échange d’ententes sur la pérennité de l’approvisionnement et sur l’encadrement de leurs activités.
Le bail de la Péribonka, qui est encadré par une loi, fut renouvelé en 1984 jusqu’en 2033 à certaines conditions. La compagnie s’est engagée à construire ou à moderniser trois usines pour une valeur de trois milliards de dollars (3 G$), afin de réduire ses émissions polluantes et d’augmenter sa production d’un million de tonnes, et ce, avant 2009. Cependant, la compagnie a construit et modernisé deux de ses usines, celle de Laterrière en 1990 et celle d’Alma en 2000, mais elle a tardé à moderniser l’usine d’Arvida, qui en est à sa deuxième phase, la troisième n’étant même pas dans les projets. Alcan avait planifié le remplacement de l’usine d’Arvida en 2009, mais l’achat par Rio Tinto8 a retardé les projets. La compagnie prévoit le remplacement des cuves précuites par 96 cuves AP60, c’est-à-dire par la moitié des 192 promises, pour le 31 décembre 2025. Les travaux sont en cours, mais la compagnie ne prévoit opérer ces nouvelles cuves que progressivement entre 2026 et 2028. L’autre moitié de l’usine de remplacement est remise aux calendes grecques. Quoi qu’il en soit, au terme de l’installation des 96 cuves AP60 plus performantes, Rio Tinto aura libéré 545 MW d’électricité. Qu’adviendra-t-il de ce surplus ?
Par ces modernisations, Rio Tinto a certes augmenté sa capacité de production9, mais elle a réduit considérablement le nombre d’emplois, qui sont passés de 12 000 en 1982 à moins de 4 000 aujourd’hui. Comme elle ne pouvait pas respecter la date limite de 2009 pour compléter ses modernisations, elle a obtenu trois prolongations, dont la plus récente se termine le 31 décembre 2025. L’entente de la Péribonka stipule que, si celle-ci n’est pas respectée, elle devient caduque et le gouvernement peut reprendre possession des centrales et des ouvrages connexes à son échéance en 2033. Il est évident qu’au 31 décembre 2025, les engagements de Rio Tinto ne seront pas respectés. La mobilisation citoyenne sera nécessaire pour en tirer les conséquences.
La députée de Chicoutimi et ministre régionale du gouvernement caquiste, Andrée Laforest, s’est faite, jusqu’à sa démission en septembre 2025, la porte-parole efficace de Rio Tinto en affirmant que la compagnie respecte l’entente, ce qui est loin d’être un avis partagé par d’anciens cadres d’Alcan qui ont récemment publié un livre sur le sujet10.
L’enjeu de l’énergie
Outre les trois centrales sur la Péribonka, Rio Tinto possède trois autres centrales : Isle-Maligne à la sortie du lac Saint-Jean ainsi que Chute-à-Caron et Shipshaw sur la rivière Saguenay. La compagnie a récemment annoncé d’importants travaux de rénovation à la centrale d’Isle-Maligne, au coût de 1,7 G$ d’ici 2032. La production électrique y sera augmentée11.
La production totale de Rio Tinto dépasse les 3 200 MW, ce qui équivaut à 9 % de la production totale d’Hydro-Québec. Cette électricité, produite au coût variant entre 0,563 et 1 cent le kWh12, représente pour la compagnie une économie de plusieurs centaines de millions de dollars chaque année.
On se souviendra que, lors du lockout des 850 employés syndiqués de l’usine d’Alma en 2012, Rio Tinto a vendu son électricité excédentaire à Hydro-Québec au prix courant, ce qui lui a procuré des revenus de plus de 100 M$ – certaines sources allant jusqu’à 125, voire, 148 M$. D’aucuns avaient alors suggéré que la compagnie faisait plus d’argent à vendre son électricité qu’à produire de l’aluminium.
Le projet de loi 69 intitulé Loi assurant la gouvernance responsable des ressources énergétiques et modifiant diverses dispositions législatives, adopté sous le bâillon en juin 2025, ouvre la porte aux industriels quant à la production d’énergie privée pour leur usage ou pour vendre à d’autres producteurs13. Rio Tinto a justement dans ses cartons un projet de parc éolien visant à produire entre 700 et 1 000 MW dans le secteur de son barrage de Chute-des-Passes14.
Le gouvernement et Hydro-Québec avaient déjà entrouvert la porte à la production privée d’électricité par le biais des minicentrales et de l’éolien, en alliance avec certaines municipalités, OSBL ou communautés autochtones. Maintenant, ils l’ouvrent toute grande au secteur privé. Ce qui était l’exception, soit la situation des barrages privés du Saguenay-Lac-Saint-Jean, devient applicable partout.
Dans un tel contexte, pour une entreprise, la production d’électricité n’est plus une particularité qui doit être obligatoirement reliée à ses activités industrielles. Cela peut être aussi un commerce payant permis par la loi. À quoi bon soumettre cette activité à des conditions particulières ? L’État, quant à lui, renonce à un levier, celui de la fourniture d’énergie, pour forcer les entreprises à partager, un tant soit peu, les fruits de l’exploitation de nos ressources.
Si certains avaient déjà proposé la nationalisation des barrages privés du Saguenay-Lac-Saint-Jean comme un moyen de compléter enfin la nationalisation de l’hydroélectricité, aujourd’hui, le gouvernement Legault inverse complètement la donne en rendant la production privée d’électricité accessible partout au Québec. L’énergie, et l’électricité en particulier, constitue un bien collectif qui est sur la voie d’une dilapidation accélérée.
Gestion dévastatrice du niveau du réservoir Saint-Jean
Le réservoir Saint-Jean s’agrandit chaque année. Sa circonférence est passée de 210 km à 260 km depuis 1910 et les berges ont reculé de 350 pieds15. L’Alcan et, par la suite, Rio Tinto ont régulièrement haussé le niveau du réservoir dans le cadre de leur gestion hydroélectrique, avec pour conséquences les dommages que dénoncent les nombreux riverains et riveraines.

Érosion des rives du Lac Saint-Jean en 1957. Photo: Éric Scullion
Le Programme de stabilisation des berges instauré par le gouvernement en 1986 oblige la compagnie à consulter la population et les autres parties prenantes dans la gestion du niveau du lac. Lors de la négociation du cycle de 2017-2026, l’ensemble des associations de riverains, les municipalités et municipalités régionales de comté (MRC) avaient réclamé une cogestion, ce que le Bureau d’audiences publiques en environnement (BAPE) avait d’ailleurs recommandé en 1985. Philippe Couillard, alors premier ministre et député de Roberval, avait même prétendu appuyer cette demande, mais il l’avait finalement refusée.
Les préparatifs du prochain cycle du Programme de stabilisation des berges, prévu pour 2028-2037, ont commencé. Déjà, l’on réclame la tenue d’un examen public par le BAPE avant qu’une entente intervienne entre Rio Tinto et le gouvernement afin d’éviter de biaiser les travaux du BAPE. La compagnie doit reconnaitre sa responsabilité dans l’érosion des berges de tout le lac, entre autres à Pointe Langevin, en effectuant les réparations nécessaires et en agissant de manière préventive dans l’avenir. La mobilisation citoyenne est cruciale à ce moment-ci. Les diverses associations de riverains, mais également les municipalités et MRC concernées ainsi que le Mouvement Onésime-Tremblay s’activent.

Terrain érodé au-delà de la borne. Photo: Éric Scullion
Un bilan environnemental pitoyable
Rio Tinto est le champion des contrevenants environnementaux au Québec16, entre autres pour des rejets de contaminants toxiques dans les cours d’eau, dont le Saguenay.
En 2015, Rio Tinto a voulu aménager un site d’entreposage de résidus de bauxite dans le Boisé panoramique, un parc en plein centre de la ville de Saguenay, considéré comme une zone tampon. Il s’agit d’un dépotoir de déchets industriels d’un million de tonnes de résidus de bauxite par an dans un milieu densément peuplé. Le Comité de citoyens pour un Vaudreuil durable a mené la lutte pour exiger un changement de site pendant que le conseil de ville de Saguenay s’est précipité pour dézoner le site, sans étude d’impact, ni même entendre l’avis de son propre Comité consultatif d’urbanisme. À la suite des pressions populaires, la compagnie a instauré une consultation publique. Le commissaire a finalement recommandé de rechercher un site alternatif et de favoriser la participation des parties prenantes. Ce n’est qu’au début de 2025 que Rio Tinto annonce qu’elle recherchera un autre site, mais sans renoncer toutefois au Boisé panoramique17.
Rio Tinto jouit d’un droit de polluer semblable à celui de la fonderie Horne de Glencore à Rouyn-Noranda. Comme on l’a écrit plus haut, les vieilles cuves précuites d’Arvida devaient être remplacées par des cuves AP60 moins polluantes, au plus tard en 2009, mais cette échéance a été reportée au 31 décembre 2025. La prolongation de 10 ans du délai de fermeture de l’usine d’Arvida a permis à Rio Tinto de réaliser plus de 1 G$ de revenus.
Rio Tinto, un assisté corporatif
Outre les économies que lui permettent les barrages – économies estimées à plus de 700 M$ par an selon Martine Ouellet, ancienne ministre des Ressources naturelles sous le gouvernement Marois et cheffe du parti Climat Québec –, Rio Tinto bénéficie d’un congé d’impôt de 178 M$ par année et d’une exemption de la taxe sur les gaz à effet de serre (crédits carbone) de 300 M$ par année. On peut donc dire que Rio Tinto reçoit année après année une subvention de 1,2 G$ de l’ensemble de la population québécoise18. À cela s’ajoutent ponctuellement de multiples prêts, subventions et privilèges accordés au fil du temps : prêt sans intérêt de 400 millions sur 30 ans accordé en 2006, bloc d’énergie réservé à prix avantageux, subventions de 140 M$ et 80 M$ pour recherche et développement et l’implantation de la technologie Elysis19, un procédé destiné à éliminer les GES – ainsi que de nombreux emplois –, une technologie dont on sait pourtant peu de chose. De plus, si ce procédé s’avère efficace, rien ne nous assure qu’il sera implanté au Québec.
Selon Francis Vailles de La Presse, Rio Tinto n’a pratiquement pas payé d’impôt au gouvernement du Québec ces dernières années pour son secteur aluminium. Entre 2020 et 2023, elle a payé en moyenne 12 M$ d’impôt pour 3 G$ de profits20.
Selon l’Association des retraité·e·s syndiqué·e·s Rio Tinto Alcan, la compagnie aurait retiré près de 3 milliards de dollars de leur caisse de retraite, en prenant en compte les bénéfices accumulés. Cela inclut les congés de paiement de cotisation (200 M$) hérités d’Alcan, les allégements fiscaux (538 M$) accordés grâce à la loi 57, ainsi que les prêts sans intérêt (266,5 M$) prélevés dans la caisse. Tout cela a pour conséquence de couper l’indexation de la rente des retraité·e·s. Pour l’Association, les retraité·e·s syndiqués financent à eux seuls la modernisation de l’usine d’Arvida21. Les employés-cadres ont subi le même traitement par Rio Tinto, dont un prêt sans intérêt à même leur caisse, d’une valeur de 110 M$. En prime, cette modernisation financée par les syndiqués et cadres retraités se soldera par l’abolition de 300 à 400 postes.
La délocalisation des activités de commercialisation nord-américaines de Rio Tinto de Montréal à Chicago et Singapour lui permet de faire des achats pour ses usines du Québec depuis Singapour et ainsi d’avoir des charges fiscales moins importantes qu’au Canada. Rio Tinto est, comme le disent les auteurs Jacques Dubuc et Myriam Potvin, « l’exemple parfait d’engagements non respectés »22 23.
Le Mouvement Onésime-Tremblay : un pouvoir citoyen pour contrer la culture de soumission
Si l’on tient compte de l’ensemble des avantages retirés par Rio Tinto de l’exploitation de nos ressources, de ses profits, des congés d’impôt, des subventions et autres bénéfices, il apparait évident que le Saguenay-Lac-Saint-Jean et le Québec ne reçoivent pas, de l’avis de nombreux acteurs sociaux, une contrepartie équitable, que ce soit en matière d’emplois, d’impôts ou de redevances, ou encore en matière de contrats locaux ou de retombées indirectes. L’État du Québec doit cesser de permettre la dilapidation des ressources collectives, il doit reprendre la main et se faire le gardien du bien commun.
À la suite d’un colloque sur les 100 ans d’occupation d’Alcan et Rio Tinto, organisé par Climat Québec et l’Association des retraité·e·s syndiqué·e·s de Rio Tinto Alcan, le 22 octobre 2024 à Jonquière24, il y eut la formation d’un comité de suivi. Celui-ci a rapidement constaté la nécessité d’avoir un mouvement citoyen pour défendre l’intérêt général et le bien commun devant la domination de Rio Tinto et l’accointance de la plupart des élu·e·s locaux, régionaux et nationaux.
En juin 2018, un buste à la mémoire d’Onésime Tremblay a été érigé dans un parc de Métabetchouan-Lac-à-la-Croix25. Le Mouvement Onésime-Tremblay a pu porter son nom avec l’assentiment des descendants et descendantes de celui qui a défendu sans relâche les centaines d’agriculteurs sinistrés par l’inondation causée par le rehaussement du lac Saint-Jean, et ce, illégalement et sans préavis.

Buste d’Onésime Tremblay. Parc Maurice-Kirouac, Métabetchouan-Lac-À-La-Croix. Photo: Mishell Potvin
Les objectifs du Mouvement Onésime-Tremblay sont de :
– favoriser l’expression et la diffusion d’un point de vue citoyen axé sur le bien commun face à l’impact des actions passées, présentes et futures d’Alcan et Rio Tinto ;
– contribuer à la reprise en main de nos ressources électriques dans l’intérêt de la collectivité, les ressources électriques désignant autant l’hydroélectricité que l’éolien.
Les moyens envisagés sont de privilégier des actions publiques sur des lieux significatifs de façon à s’assurer du maximum de visibilité, ainsi que de recourir à l’éducation populaire et à la mobilisation.
Le mouvement est actuellement en phase d’implantation. Une campagne de promotion et d’adhésions est en cours. On prévoit des actions dans le cadre de la préparation du prochain cycle du Programme de stabilisation des berges 2028-2037, ainsi que du centenaire de la tragédie du lac Saint-Jean en juin 2026. L’échéance du 31 décembre 2025 pour la mise en œuvre des conditions du bail de la Péribonka est également à l’ordre du jour.
Le mot de la fin revient à Onésime Tremblay : « Nous lutterons tant qu’il nous restera un souffle de vie. Nous perdrons peut-être des biens qui nous ont coûté une vie de labeur. Mais nous laisserons après nous quelque chose qui vaut mieux. Un honneur intact et l’exemple du devoir accompli ».
Notes :
- Je remercie Germain Dallaire, Mishell Potvin, Denis Trottier et Éric Scullion pour leurs commentaires. ↩︎
- En 1926, on parlait de la Chambre législative et non de l’Assemblée nationale dont le nom a été adopté en 1968. ↩︎
- Nom donné au lac Saint-Jean par les Pekuakamiulnuatsh et qui signifie « lac peu profond ou lac plat ». ↩︎
- Nom Innu qui signifie « lieu de débarquement » selon l’ONF et « là où l’eau monte un peu » selon la Commission de toponymie. ↩︎
- Germain Dallaire. À l’ombre d’Alcan. Histoire, Chicoutimi, Les classiques des sciences sociales, 2023. ↩︎
- Onésime Tremblay, dans Le combat d’Onésime Tremblay, film documentaire réalisé par Jean-Thomas Bédard, ONF, 1985. ↩︎
- Soulignons ici un autre cas de relèvement des eaux au Saguenay, celui du lac Kénogami, en 1924, deux ans avant celui du lac Saint-Jean, à la demande des compagnies de pulpe pour faire du lac un immense réservoir pour la production d’électricité et le flottage de bois. Le village de Saint-Cyriac, vieux d’une soixantaine d’années, a été englouti, de même que les terres cultivées aux alentours. Les villageois ont été expropriés et forcés de déménager avec un dédommagement loin d’être à la hauteur des pertes et préjudices. ↩︎
- Rio Tinto a acheté Alcan en 2007 et elle est liée par une entente de continuité, c’est-à-dire qu’elle s’est engagée à respecter les engagements qu’Alcan avait pris envers le gouvernement québécois avant elle. ↩︎
- Cependant, la compagnie s’était engagée à augmenter sa capacité de production d’aluminium de 450 000 tonnes et à créer 740 emplois à Arvida, ce qui est loin d’être le cas. ↩︎
- Jacques Dubuc et Myriam Potvin, L’exploitation de notre eau par Rio Tinto, Quel avenir pour le Québec ? Montréal, Somme toute, 2025. ↩︎
- François Normand, « PL69 : Rio Tinto Alcan a failli perdre le droit de vendre son électricité à des entreprises », Les Affaires, 5 juin 2025. ↩︎
- Le tarif résidentiel se situe entre 4,774 et 8,699 cents le kWh selon la consommation l’hiver, et entre 6,905 et 10,652 cents le kWh l’été. ↩︎
- Assemblée nationale du Québec. Loi assurant la gouvernance responsable des ressources énergétiques et modifiant diverses dispositions législatives. ↩︎
- Thomas Gerbet, « Rio Tinto prépare un gros projet d’éoliennes sans Hydro-Québec », Radio-Canada, 16 janvier 2024. ↩︎
- Voir le film Le combat d’Onésime Tremblay, op. cit. ↩︎
- Ulysse Bergeron, « Rio Tinto, géant des mines… et des infractions », dossier de La Presse, 15 février 2025. ↩︎
- Myriam Gauthier, « Rio Tinto abandonne l’idée d’un site de résidus de bauxite dans le boisé panoramique », Radio-Canada, 23 janvier 2025. ↩︎
- Martine Ouellet, « Rio Tinto Alcan et la CAQ : ça suffit de rire de nous ! », Journal de Montréal, 3 juin 2023. ↩︎
- Ibid. ↩︎
- Francis Vailles, « Le Québec, paradis fiscal des alumineries», La Presse, 12 décembre 2022. ↩︎
- Association des retraité·e·s syndiqué·e·s Rio Tinto Alcan, Lettre au premier ministre M. François Legault, au sujet de l’annonce de la construction de 96 cuves AP-60 à Arvida, 3 août 2023, et Pascal Girard, « Les syndiqués retraités de Rio Tinto demandent l’intervention de François Legault », Radio-Canada, 8 août 2023. ↩︎
- Dubuc et Potvin, 2025, op. cit. ↩︎
- Solveig Beaupuy, « Rio Tinto, l’exemple parfait d’engagements non respectés ». Le Quotidien, 25 mai 2025. ↩︎
- Climat Québec, Colloque : bilan 100 ans RTA, 5 vidéos. ↩︎
- Jonathan Hudon, « La mémoire d’un bâtisseur honorée », Le Quotidien, 25 juin 2018. ↩︎









