Santé et services sociaux: pour une organisation à taille humaine, mais surtout une approche santé

Pierre Dostie, ts, MSS, ancien directeur des clientèles en Santé mentale, Dépendances, Enfance-jeunesse-famille, et Santé publique, au CSSS de Jonquière.

Photo de Andrea Piacquadio sur Pexels.com

Le diagnostic est accablant. Entre 2014 et 2018, le ministre libéral, le Dr Gaétan Barrette, a fait des dommages considérables au système de santé et de services sociaux du Québec. La coupe de 30% dans les budgets de la santé publique, déjà sous-financée, ainsi que la négligence à mettre en application les recommandations à la suite de la campagne de vaccination contre le H1N1, ont par exemple grandement contribué à engluer la réponse du Québec à la pandémie de la COVID-19. Sans compter l’impact de la mise en place du monstre administratif que sont les CISSS et les CIUSSS, qui centralisent tout et qui privent les populations et les installations locales de toute prise de décision, et de l’agilité requise en pareille situation. Pour couronner le tout, la mise en place d’une véritable médicocratie est venue annuler tous les efforts déployés 10 ans auparavant pour favoriser la collaboration interprofessionnelle et intersectorielle, ainsi que la prévention.

La santé est sacrifiée à la maladie, les citoyen·ne·s aux patient·e·s, les équipes de soins aux docteur·e·s

Plusieurs expert·e·s le confirment d’ailleurs, nous avons assisté à des reculs importants depuis 2014 :

  • Virage d’une approche préventive et interprofessionnelle en développement vers une approche médicale curative. Depuis 2004, le réseau tentait de placer les citoyen·ne·s au centre d’un environnement favorable et préconisait l’autonomie et la mobilisation du milieu pour préserver la santé. Depuis 2014, on place le médecin des cliniques privées au centre du système, en position hiérarchique sur l’ensemble du personnel soignant, pour traiter les patient·e·s.
  • L’indicateur de l’état de santé de la population a fait place au nombre de patient·e·s pris·e·s en charge par chaque médecin. En d’autres mots, ce n’est plus l’équipe, de concert avec l’environnement, qui soutient la personne en santé, c’est le ou la docteur·e qui traite les malades et qui mobilise selon ses priorités l’ensemble du personnel.
  • Cette approche centrée sur les docteur·e·s, l’hôpital comme lieu d’intervention et la prescription de médicaments comme principale modalité de traitement, même si elle a été décriée par nombre de médecins d’ailleurs, au moment où le gouvernement s’apprêtait à adopter les lois 10 et 20, a été l’assise sur laquelle on a pu justifier les augmentations faramineuses de revenus des médecins, en particulier des spécialistes. La recette parfaite pour une croissance exponentielle des coûts en santé.

Enfin, la fusion des établissements en un seul par région, a donné naissance à des monstres administratifs qui ont éloigné les gestionnaires du terrain, de leur personnel et des besoins des populations desservies. L’uniformisation des services mur à mur tranche avec la volonté antérieurement expérimentée avec succès, d’adapter la dispensation des services aux besoins des populations et des communautés, grâce à la flexibilité que confère l’imputabilité locale. Une gouvernance autocratique centralisée vient compléter ce désastre, qui voit le ministre s’impliquer dans la micro-gestion, éclipsant et neutralisant du coup les dirigeants locaux et régionaux.

Sans compter les compressions budgétaires (plus de 70 M$ en 7 ans dans la seule région du Saguenay—Lac-Saint-Jean, dont 10 M$ en 2018) qui ont enlevé de la marge de manœuvre au CIUSSS, grandement affecté l’accessibilité et la qualité des services et se sont traduit par l’abolition de nombreux postes bien payés.

Catastrophe annoncée

Le résultat est catastrophique : les services se sont éloignés des gens, les intervenant·e·s sont épuisé·e·s, quand ils et elles ne sont pas en détresse psychologique. Les gestionnaires dépriment, privés de l’essentiel dont ils et elles ont besoin pour remplir leur mandat, soit l’autonomie décisionnelle, le contrôle sur leur budget et le soutien des directions.

L’ensemble du personnel est quasiment traumatisé par cette contre-réforme. Un système autoritaire est venu tuer toute velléité d’initiative et de créativité. Le taux d’absence maladie est monté en flèche. Chacun·e se retranche dans ses tâches. Les gestionnaires de premier niveau, déjà en détresse psychologique, ont vu augmenter leurs responsabilités et diminuer le temps passé à soutenir leur personnel. Le ministre Barrette avait dit qu’il voulait que le message passe de haut en bas quand il avait une directive à faire appliquer. Il avait averti qu’il ne tolèrerait pas les déviant·e·s. Aujourd’hui, il n’est plus là et nous vivons avec sa démolition en héritage.

Le moral des troupes était donc au plus bas quand le combat contre la pandémie de la COVID-19 a été amorcé. La santé publique était démantelée, les effectifs en soins étaient déjà dispersés, épuisés et démobilisés. Le Dr Barrette a prétendu nous faire économiser en coupant dans les structures et les programmes « qui n’apportaient rien de plus aux patients ». Combien aurions-nous économisé si nous avions eu l’équipement nécessaire pour dépister, tracer, isoler, et si nous avions eu le personnel en nombre suffisant et motivé, et si nous avions eu l’agilité nécessaire pour décider localement selon les particularités de nos populations et de nos territoires ? Pourtant, l’Institut national de la santé publique (INSPQ), que s’est employé à amputer le Dr Barrette, avait fait la démonstration depuis longtemps, que la maxime selon laquelle « il vaut mieux prévenir que guérir » est payante, même sur le plan budgétaire.

Remettre le système à l’endroit

Pourtant, dans les années 2006 à 2014 le réseau avait travaillé sans relâche pour implanter une véritable réforme, un virage santé qui avait fait l’objet d’une grande mobilisation et d’un consensus préalable, basés sur les meilleures connaissances scientifiques et les meilleures pratiques de par le monde. Des projets cliniques ont été élaborés en collaboration avec les partenaires du milieu, des trajectoires de service concertées ont été mises en place, une mobilisation intersectorielle sur les déterminants de la santé au sein d’un Réseau local de services a été favorisée et encouragée. Le tout, en certains endroits comme au CSSS de Jonquière, encadré par une structure démocratique représentative mise en place par le milieu et relevant du CA du CSSS. Cette réforme n’a peut-être pas su répondre aux besoins des grands centres comme Montréal ou Québec, mais elle avait été prise au sérieux en région et elle avait fait ses preuves, probablement parce qu’elle a pu s’incarner auprès d’une population, au sein de territoires définis avec des partenaires clairement identifiés. Une réforme que le gouvernement libéral et le Dr Gaétan Barrette ont fait virer à 180 degrés.

Sans nécessairement revenir aux anciens CSSS, il serait aujourd’hui nécessaire de consulter les cadres, le personnel et les milieux et partenaires concernés, afin de mettre en place des unités de services à échelle humaine, qui favorisent la collaboration inter-programme et interprofessionnelle, et qui assurent un niveau de décision local en collaboration avec les organismes communautaires et les autres partenaires des secteurs desservis.

Aussi, il y a lieu de stabiliser le financement en modifiant la règle du per capita qui défavorise les régions en déficit démographique, comme le sont la plupart des régions périphériques. Même en l’absence de coupe dans le ministère, une région comme le Saguenay—Lac-Saint-Jean peut devoir subir une perte de plusieurs millions chaque année, si sa démographie est déficitaire, alors que l’offre de services est plus coûteuse en région à cause de la dispersion de la population et des déplacements. Cela fait des décennies que cette règle injuste est dénoncée.

Il faudra par ailleurs réinvestir en santé publique (dont le budget a été coupé de 30% nous le répétons) et remobiliser nos intervenant·e·s et nos communautés vers une approche préventive, communautaire et de travail en équipe, en leur reconnaissant l’autonomie clinique tellement nécessaire. L’action intersectorielle concertée (avec les municipalités, l’éducation, les ministères, les organismes communautaires, etc.) sur les déterminants de la santé a besoin d’être relancée et surtout qu’on lui fournisse les moyens de ses ambitions (expertise, financement, etc.) dans le respect de l’autonomie territoriale.

La meilleure façon de ramener les coûts des services médicaux à des niveaux acceptables, tout en recadrant le travail de l’ensemble des professionnels, serait de rattacher les médecins des cliniques dites privées aux CISSS et CIUSSS et de donner aux gestionnaires de ces établissements le mandat clair de coordonner l’ensemble des équipes de soin dans un esprit de collaboration interprofessionnelle. Ainsi, le salariat s’appliquerait aux médecins, comme c’est le cas pour ceux et celles qui y sont déjà (en CLSC) et qui travaillent en équipe multidisciplinaire avec une approche communautaire. Enfin, il y a lieu de renforcer les actes partagés des infirmières cliniciennes et praticiennes, et d’augmenter leur nombre, afin qu’elles interviennent en première ligne pour soutenir la prévention, traiter les pathologies mineures et référer au médecin lorsque nécessaire.

La pandémie a révélé et accentué les inégalités de santé, ainsi que notre dépendance envers l’industrie pharmaceutique, principalement étrangère. Que ce soit pour l’accès au matériel de protection, à la production et la distribution des médicaments, à la production de vaccins ou à la protection que procure au meilleur coût une assurance médicament universelle, la proposition de Pharma-Québec et d’un régime d’assurance-médicament universel de Québec solidaire est plus pertinente que jamais.

La mise en place des CISSS et des CIUSSS a achevé d’éliminer les postes de citoyen·ne·s élu·e·s sur les Conseils d’administration. Il y aurait lieu de rétablir ces postes électifs, basés sur une représentation reflétant la diversité de la composition et des besoins des populations desservies, tout en assurant aux travailleureuses une représentation.

Le lien étroit entre l’approche en santé, le statut des médecins et le type de gouvernance


Il faut bien reconnaître qu’à la base, ce qui fonde l’ensemble du système, c’est la philosophie, la vision de la santé et l’approche qui en découle. Une approche holistique, préventive et communautaire favorisera la prévention et le travail en équipe, au sein d’un système entièrement public où médecins et autres professionnels rémunérés à salaire collaborent avec les autres acteurices du milieu pour agir sur l’environnement et sur les facteurs favorables à la santé, pour les citoyen·ne·s autour desquels pivote l’ensemble du système.

C’était à peu près le beau projet qui a motivé la création des CLSC dans les années 1970, qui se voulaient être « la porte d’entrée du réseau de la santé ». Ne voulant pas travailler à salaire, les médecins se sont précipités dans la mise en place de cliniques dites privées qui ont poussé comme des champignons et ont négocié des conditions de rémunération à l’acte. Comme l’État a tardé à compléter le réseau des CLSC, on s’est retrouvé inondés de cliniques dites privées dont l’accessibilité les soirs et fins de semaines n’est pas assurée, ce qui porte la plupart des gens à se présenter aux urgences, avec leurs gros ou petits ennuis de santé, avec l’effet d’engorgement que l’on connaît.

Nous voilà donc à l’opposé de ce qui avait été prévu au départ, avec un système éclaté, où domine l’approche curative, le plus souvent axée sur l’approche médicamenteuse, encouragée en cela par l’industrie de la maladie et du médicament, où la plupart des médecins pratiquent en marge du système public et sont rémunérés à l’acte, et auxquels on subordonne l’action des autres professionnels de la santé, incluant ceux du système public, comme c’est le cas pour les cliniques GMF où les infirmières, les t.s., les nutritionnistes, etc. ont été placé·e·s sous l’autorité des médecins entrepreneur·e·s. Un tel système pivote autour de l’autorité médicale qui contrôle l’ensemble des actes sur les patient·e·s malades dont la comptabilité est une condition de leur rémunération.

Un cercle vicieux curatif (patient·e, maladie, médicament, paiement à l’acte, contrôle médical) qu’il faut avoir le courage de rompre pour faire place à un cercle vertueux préventif (citoyen·n·e, santé, environnement, salariat ou mixité, collaboration).

Le tableau suivant résume le lien étroit entre le mode de rémunération des médecins, l’approche en santé/maladie et la gouvernance du système.

Le « discours guerrier » dans une société mystifiée

Pierre Dostie

Photo de Gladson Xavier sur Pexels.com

Les classes dominantes, pour maintenir le capitalisme bien en place, ont besoin de contrôler les institutions dites démocratiques. Elles ont aussi besoin de mystifier la population sur cette démocratie elle-même, entretenant l’illusion que le peuple est au pouvoir de par le mode de représentation en place, qui garantit leur hégémonie. Le mythe ultime est enfin de faire croire que, malgré les inégalités, chacun.e a des chances égales de se développer, suffit d’y mettre du sien, et que les classes sociales et leurs intérêts antagoniques sont des fabulations entretenues par des gauchistes nostalgiques. La lutte des classes n’existe pas, c’est une invention de quelques illuminés, que l’on pourrait même accuser de complotistes.

À la limite, si nous désirons un changement social, nous militons pour une « transition » en douceur. Nous n’aimons pas la chicane.

Le discours militant est souvent qualifié de guerrier. L’on fait face à des menaces, l’on mène une lutte, une bataille, au moyen de stratégies et de tactiques, avec des gains ou des pertes, etc. C’est bien compréhensible car le militantisme fait le plus souvent une rencontre frontale avec le capitalisme et les classes dominantes.

Notre culture occidentale baigne dans l’idéalisme, où les vues de l’esprit dominent souvent la réalité matérielle. Même si le conflit est le moteur de l’histoire, nous nous sentons plus à l’aise du côté pacifique de la chose et c’est rassurant en apparence.

Certaines personnes vont même jusqu’à se sentir agacées lorsque le « discours guerrier » semble dominer la scène publique, comme c’est le cas actuellement dans la lutte contre la pandémie, où la population, limitée dans ses déplacements et ses droits fondamentaux, est contrainte à la discipline, « afin de vaincre la COVID-19 ». Il est évident que ce contexte peut fournir aux gouvernements l’opportunité d’abuser de leur pouvoir, ce que nous devons collectivement combattre. Je ne saurais dire si la lutte à la pandémie pourrait se faire en dehors du paradigme de la guerre. Mais nous savons que celle-ci peut être un bon prétexte pour élargir la gamme des pouvoirs de ses détenteurices. La guerre à la pandémie, qui pourrait bien s’avérer ironiquement un sous-produit du capitalisme, nous est toutefois imposée. Ce qui ne veut pas dire que ce soit une fatalité que l’on n’aurait pu éviter. Par exemple, si la prévention occupait une plus grande place dans les priorités des gouvernements. Si le réchauffement climatique ne libérait pas tous ces virus inconnus du pergélisol, si la diminution de la biodiversité ne favorisait pas le passage des virus des animaux aux humains, etc.

De même, les capitalistes, qui ont intérêt à maintenir leur domination, sont prêt à tout, je dis bien tout, pour conserver leur position dominante. C’est matériellement et historiquement démontré. Parlez-en aux Chilien.ne.s, qui ont connu le 11 septembre 1973.

Actuellement, les vendeurs de méthane produit de la fracturation se font langoureux en prétendant contribuer à la lutte au changement climatique ! Mensonges et mystification, s’il en est une. Les capitalistes sont capables des pires bassesses, y compris des tactiques illégales et immorales, pour parvenir à leur fin. On l’a bien vu dans le cas d’Énergie Est.

Je suis désolé, mais en réalité la guerre fait rage. C’est le déni de cette réalité qui à mon avis fait le plus de tort aux mouvements progressistes en drainant des énergies dans ce qui s’avère le plus souvent un cul-de-sac désenchantant.

Le discours guerrier existe parce qu’il y a la guerre. Mettre fin au discours guerrier ne mettra pas fin à la guerre. Gagner la guerre peut ouvrir la porte à la fin du discours guerrier, même si ce ne sera pas nécessairement le cas. Je crois pour ma part que mener la lutte par amour peut faire toute la différence, comparativement à la faire pour des motivations haineuses. Je suis convaincu par exemple que les 1 % de capitalistes sont prisonniers de leur cercle vicieux et qu’iels ne céderont pas d’elleux-mêmes le contrôle de la majorité des ressources qu’iels accaparent, aux 99 %, tel que le révèle chaque année le rapport d’OXFAM sur les inégalités.

Et même s’il est inutile ou immoral de s’en prendre à elleux personnellement, ce peut être une manière de les aider, voire de les aimer, que de les contraindre collectivement à se libérer de leur position toxique pour elleux-mêmes, pour l’ensemble de la société et pour les écosystèmes de la Terre. Pour reprendre une maxime judéo-chrétienne qui a marqué ma culture de vieil homme blanc hétérosexuel : « Aimer nos ennemi.e.s » ne fait pas qu’iels cessent pour autant d’être des « ennemi.e.s » et ne fait pas disparaître la nécessité de les combattre non plus. Les aimer tout en les combattant, les combattre parce qu’on les aime. Et il y a la manière…

Ma vie de militant m’a appris à me battre, à nous battre collectivement, contre des  pratiques injustes, mais aussi pour le changement, un changement que l’on s’emploie à pratiquer au jour le jour, malgré nos contradictions. Au fond, au cœur de la bataille, l’humain.e sous l’armure n’est pas qu’un.e soldat.e. La paix au milieu du conflit, la douceur au milieu de la violence, donnent un sens à la lutte, que l’on n’a pas choisi de faire, qu’on aimerait mieux ne pas avoir à faire, mais qui s’est imposée par la réalité des faits.

C’est bien vrai que cela peut être repoussant de voir s’agiter le glaive à tout moment. Mais cela n’est pas plus contributif de nier la réalité de la guerre, un déni dont seules les personnes avantageusement placées dans la société peuvent se permettre le luxe. Les autres en font les frais quotidiennement, et en sont les perdant.e.s. Tout le monde ne veut pas ou ne peut pas aller au front, mais tout le monde peut contribuer à la lutte, chacun.e à sa manière. Et par-dessus tout, il faut éviter de discréditer nos combattant.e.s ou pire, de leur tirer dessus, que ce soit au sens propre ou au figuré.

La solidarité en héritage

Photo de Benjamin Svobodny sur Pexels.com

J’observe avec émerveillement mes petits-enfants dans leur développement personnel et dans leur découverte du monde. Cela fait surgir en moi des souvenirs qui me rappellent combien il est important de leur apprendre la confiance en soi, mais aussi la solidarité.

La solidarité apprise par l’exemple

J’ai grandi à Lac-Mégantic et Thetford-Mines où notre père travaillait dans les mines d’amiante et notre mère prenait soin des 6 enfants. Les valeurs de respect, d’égalité, de justice et d’entraide ont toujours été au centre de notre éducation. Notre père était impliqué dans son syndicat et dans des organismes communautaires et notre mère était bénévole auprès des aînés. Lors de la grève de l’amiante de 1975, qui dura presque un an, nous avons connu la disette et cela n’a pas empêché mes parents de continuer leur engagement social et communautaire. Je me souviens qu’une collecte de fonds au sein de la famille élargie avait été d’un grand secours.

Nos parents ne nous ont jamais influencés en nous faisant la morale, mais plutôt par leurs actions au quotidien. C’est à travers leurs gestes et comportements de tous les jours que nous avons appris que « ce que nous avons de plus que les autres, que ce soit de l’argent, des connaissances, des talents, du temps, etc., nous avons la responsabilité de le partager ». C’est naturellement que je me suis orienté vers le travail social, que j’ai pratiqué pendant 35 ans et que j’enseigne encore avec passion. Mes sœurs travaillent toutes dans les services, notamment en santé, en éducation, en réadaptation, en milieu communautaire. Et je dirais que tous et toutes sont bien conscient·e·s de leurs « responsabilités ».

Durant ma carrière, il m’est arrivé de participer à de nombreuses luttes syndicales, sociales ou politiques et j’ai constaté que c’est par la solidarité que la société avance, que chacun·e trouve sa place, ses droits. En tant que militant, il m’est arrivé de subir la répression de la part de ceux dont les intérêts étaient « menacés » par nos luttes collectives. Dans ces moments-là, alors que la déprime et l’isolement nous guettent, la solidarité nous rappelle le sens de notre combat et nous encourage à continuer.

Quand je regarde l’histoire du Saguenay—Lac-Saint-Jean, je suis impressionné par la solidarité régionale qui a permis la reconstruction après le grand feu de 1870 et celle qui fut également au rendez-vous lors du déluge de 1996. Et que dire du sentiment de fierté que j’ai ressenti lors des référendums de 1980 et 1995 où j’ai voté « oui » avec la majorité des gens de la région.

C’est cette même solidarité qui a permis aux étudiant·e·s de limiter la hausse des frais de scolarité en 2012 afin de permettre au plus grand nombre d’avoir accès aux études supérieures.

L’histoire du Québec est ponctuée de cette solidarité dont nous avons hérité. Le mouvement coopératif, le mouvement syndical, le régime d’assurance-maladie, nos outils de développement collectifs comme la Caisse de dépôt et de placement, les Fonds de solidarité des travailleureuses, pour ne nommer que ceux-là, sont de formidables outils d’enrichissement individuel et collectif.

La solidarité menacée

Mais quand je vois que nos services publics[1] sont devenus des occasions d’affaires et que les plus riches ont un meilleur accès, quand je regarde notre système d’éducation à trois vitesses[2], alors là, je me dis qu’on a raté de belles occasions de solidarité.

Quand je vois que notre oppression, notre dépendance et notre soumission nationales nous conduisent à craindre la différence, à repousser l’étranger, et à nous entre-déchirer plutôt qu’à nous unir pour assumer courageusement notre indépendance, j’ai le goût de dire comme Gaston Miron : « mais donne la main à toutes les rencontres, pays toi qui apparaît par les chemins défoncés de ton histoire »[3].

Le nationalisme provincialiste étroit et frileux est le symptôme d’un traumatisme historique persistant qui porte au repli sur soi par peur de prendre le risque de s’assumer pleinement, solidairement. C’est malsain, c’est de la lâcheté à la limite, en tout cas c’est une impasse.

Quand je vois la société qui se fracture, les dérapages exacerbés par les réseaux sociaux, la montée des extrémismes, j’y vois surtout le symptôme et le produit d’une solidarité défaillante à la base. On peut bien pointer du doigt les trumpistes ou les complotistes qui menacent la soi-disant démocratie. Ils sont pourtant des résultats d’un système économique qui a jeté des millions de gens à la rue et d’une « démocratie » qui s’en est fait la complice.

Si le chaos n’est pas enviable, le « désordre établi » ne l’est pas non plus. On dirait bien que ça va brasser de toute façon. Aussi bien préparer une révolution de la solidarité.

Cultiver la solidarité systémique

Renouer des liens de solidarité devient une opération de plus en plus audacieuse devant les clivages apparents. Cela demande de prendre un peu de recul, de voir plus grand que l’arbre qui cache la forêt. Cela demande de cesser de s’accuser, de s’écouter, et d’être plus tolérant·e·s. Plus que jamais, il ne faut pas laisser la politique entre les mains des seul·e·s politicien·n·e·s.

C’est peut-être aussi et surtout en se battant pour des services publics universels et accessibles, pour la réduction des inégalités, pour l’inclusion et pour favoriser la contribution de toutes les diversités à la vie sociale, économique et politique, que nous créerons les conditions d’une société solidaire et sécuritaire. En matière de santé publique, les services universels sont de meilleurs moyens de protéger tout le monde, incluant les plus vulnérables, dans la mesure où ils sont rejoints, et la fiscalité, le moins pire moyen de faire payer les plus riches. Car la solidarité, ce n’est pas seulement un comportement individuel, une valeur morale, c’est aussi une réalité structurelle, voire systémique. Comme l’est notre assurance-automobile par un partage universel du risque. Comme le sont les entreprises d’économie sociale et solidaire. Comme l’Hydro-Québec l’était lors de sa création – et qui pourrait le redevenir – quand elle avait pour objectif de fournir l’électricité à tout le monde au meilleur prix. Comme devraient l’être notre programme d’assurance-médicaments, les services dentaires ou de psychologie, s’ils étaient universels, ainsi que les services de garde à la petite enfance, etc.

La solidarité systémique au Québec est à peine amorcée. Elle est à compléter en matière de santé, de services sociaux, d’éducation, d’économie, d’inclusion de la diversité, de transition écologique, etc.

Notre solidarité avec les Premières Nations et les Inuits nous appelle à une reconnaissance mutuelle et à des relations de nation à nation. Faisons table rase des institutions héritées du colonialisme et concevons un système politique dans lequel les douze nations qui habitent le territoire du Québec définiront les conditions d’une souveraineté partagée et d’un « vivre ensemble » harmonieux.

La solidarité, ça peut être aussi un processus politique. Un projet de société, un projet de pays.

C’est en cultivant la solidarité par nos actions petites et grandes, par nos projets créateurs de conditions décentes de vie et d’environnements favorables à la santé, c’est en renonçant au confort et à l’indifférence, que la nation québécoise en devenir aura assez confiance en elle pour se recomposer de sa diversité, se donner un pays où tous et toutes auront la possibilité de se réaliser, ne laissant personne derrière. Un pays accueillant envers les réfugié·e·s et les immigrant·e·s, un pays fier de sa diversité et en paix et en harmonie avec les peuples autochtones.

Voilà de quoi inspirer, pour encore quelque temps j’espère, la solidarité à nos petits-enfants.

Pierre Dostie

18 janvier 2021

_________


[1] Intrusion du privé en santé facilité par l’accès à une assurance supplémentaire.

[2] Privé, public à volet particulier, public; sans parler du système à 2 vitesses au niveau des études supérieures (Universités à charte et Universités du Québec).

[3] Compagnon des Amériques.

______


Entrevoir la transition écologique au cœur de la pandémie de la COVID-19 sur fond de crise économique et financière

par Pierre Dostie

Photo de Pixabay sur Pexels.com

On entend de plus en plus parler de l’importance de saisir l’occasion que nous offre cette pandémie pour accélérer la transition écologique, afin d’éviter un « retour à l’anormale ». Pour que cela soit possible, certaines conditions objectives semblent favorables. Elles devront cependant être combinées avec des conditions subjectives. Et le tout aura besoin d’être propulsé par un mouvement de fond.

Conséquences économiques de la COVID-19

Il ne fait pas de doute que les mesures de santé publique prises par les gouvernements ont certainement un impact important, en termes de ralentissement, mais aussi probablement de restructuration partielle de l’économie, du moins dans certains secteurs. Si ce contexte a pu représenter des opportunités pour certains, ce sont surtout les grandes entreprises, voire transnationales, qui vont le mieux s’en tirer alors que ce sont les PME, les petits commençants, le monde des arts et de la culture et les gens au travail autonome qui en souffriront le plus.

Les promoteurs de projets d’exploitation des sables bitumineux s’attendent à une relance qui échappe aux analyses des impacts environnementaux, avec la bénédiction des gouvernements. Plus près de nous, au Saguenay, alors que le BAPE prépare son rapport de consultation sur le projet d’usine de liquéfaction de GNL, et que les promoteurs ont du mal à rallier des investisseurs, leur lobby continue de s’activer auprès des gouvernements pour qu’ils dilapident l’argent public dans ce projet insensé. Ça ne va pas tellement dans le sens de la transition.

Enfin, après la crise économique, suivra sans doute une crise des finances publiques que les gouvernements, quoiqu’ils en disent aujourd’hui, seront tentés de régler par des mesures d’austérité.

La catastrophe annoncée de la santé publique

Il n’est pas mon propos ici de juger de la stratégie de gestion de la crise par les gouvernements du Québec ou du Canada. Plusieurs s’y affairent, pointant tantôt l’improvisation, les consignes contradictoires, l’information incomplète sur un virus en évolution. Sans parler du débat soulevé sur les droits fondamentaux et celui entre la science et les croyances conspirationnistes. Les bilans et les analyses restent à compléter. La crise semble bien loin de sa fin.

Reconnaissons à tout le moins que nous sommes entrés dans cette crise dans un contexte marqué par la rareté de l’équipement de protection (ex. gants, masques, etc.), un nombre limité de tests, dont l’analyse était problématique, et un personnel soignant dans bien des cas en nombre insuffisant, déjà épuisé et souffrant. Il est permis de se demander comment il se fait que l’on se soit retrouvé dans cette situation. En particulier quand on connaît les recommandations de l’OMS qui vont dans le sens d’un dépistage massif (cf. « tester, tracer et alerter, isoler et protéger »). De plus, il semble que nous n’avions pratiquement pas de réserve de matériel de protection en prévision de telles catastrophes, et ce, malgré les recommandations formulées à la suite d’expériences passées (ex. H1N1).

En outre, il n’est pas interdit de croire que les mesures d’austérité de la dernière décennie ont contribué à ce triste constat. Pensons en particulier à la coupe de 30% du budget de la santé publique, déjà sous-financée, effectuée par le ministre libéral Barrette en 2015. Pensons à la mise en place des CISSS et des CIUSSS, ces monstres administratifs, qui ont anéanti toute agilité locale et précipité le personnel soignant dans une contre-réforme des plus autoritaire et démotivante.  Quelle est la part du coût économique et social de l’actuelle pandémie, qui revient à ces décisions ?

Conditions objectives changeantes

Sur le plan plus spécifiquement économique et politique, on peut remarquer quelques signes de changements dans nos conditions objectives de vie depuis le début de cette pandémie :

– Le repli au sein des États-nations, déjà amorcé depuis une décennie, semble se renforcer. Notamment suite au constat qu’il est hautement préférable, non seulement en temps de crise, mais en tout temps, de préserver notre souveraineté alimentaire et sanitaire et de soutenir l’achat local. Il s’agit là d’un contexte qui pourrait être favorable au développement d’une économie de transition;

– La nécessité étant la mère des inventions, on a pu voir comment des petites ou grandes entreprises – pas toutes il faut le dire — ont pu s’adapter pour convertir une partie de leurs activités afin de survivre ou de répondre aux besoins urgents, ce qui montre que c’est possible de reconvertir l’économie ;

– Par la force des choses, nous avons individuellement et collectivement réduit notre consommation et nos déplacements et par conséquent le recours aux énergies fossiles. C’est une occasion propice au questionnement sur nos besoins réels et sur l’adoption de nouvelles habitudes, plus écologiques ;

– Le caractère exceptionnel de cette crise – mais sans doute pas unique si l’on pense à ce que l’avenir nous réserve – a permis de voir le politique prendre le pas sur l’économique, ce qui n’est pas exactement ce à quoi nous avons été habitués depuis 40-50 ans, alors que c’est plutôt cela la normalité ;

– Des mesures sociales massives à portée économique ou en matière d’assistance ont été rapidement décidées et mises en œuvre, quel qu’en soit le coût. Par exemple, le débat sur le revenu décent garanti refait surface, le fameux dogme du « déficit zéro » est remis en question ;

– Si de nombreuses mesures visent les groupes les plus touchés par les pertes, il demeure que l’inégalité est un effet tragique des catastrophes, en particulier dans les pays où les programmes sociaux sont déficients ou absents, comme aux États-Unis, ou pire encore dans les pays dits en voie de développement. Cette inégalité frappe aussi le Québec, malgré l’accessibilité aux soins de santé et aux services sociaux. Cela a été largement illustré dans les médias depuis les débuts de la pandémie ;

– S’il est vrai que le politique doit avoir le pas sur l’économique, il n’est pas souhaitable que l’augmentation et la concentration des pouvoirs politiques favorisés par la crise, perdurent au point d’accentuer le déficit démocratique déjà largement dénoncé. À défaut d’une transition, la gestion des mesures d’adaptation aux conséquences du réchauffement serait tragique, si elle devait se faire sous le signe des inégalités et de l’autoritarisme.

Conditions subjectives relatives

Les conditions subjectives se rapportent à la perception, à l’interprétation et au sens que nous donnons individuellement et collectivement aux conditions objectives que nous vivons, voire aux épreuves que nous traversons.

Ainsi, l’on peut penser que lorsque les gouvernements jugent qu’une menace est réelle, ils peuvent user de leur pouvoir pour y faire face.

Cependant, il serait trop facile de croire par exemple que les gouvernements Legault et Trudeau pourraient percevoir avec la même diligence, l’urgence climatique, et agir avec la même rapidité et la même fermeté. Les politiciens nous ont plutôt habitués à la politique de l’autruche et aux mesures en réaction aux événements plutôt qu’à la prévention, ne serait-ce qu’à moyen terme. La pandémie en est la preuve, plutôt que de prévenir, nous avons préparé une catastrophe. Les catastrophes prédites par les experts, conséquences des changements climatiques, sont déjà en préparation. Mais nous savons pourtant que lorsqu’elles nous frapperont, la réponse des gouvernements sera « trop peu, trop tard », si rien n’est fait pour les prévenir, si tant est qu’il soit encore temps.

Par ailleurs, l’on pourrait penser que la baisse des émissions de GES depuis le ralentissement de l’économie est encourageante. Il semblerait plutôt qu’elle représente bien peu de chose si l’on tient compte de son augmentation annuelle. Et lorsque l’activité économique reprendra, il est possible que ce soit de plus belle. Les capitalistes voudront se refaire, grâce à l’aide reçue de l’État dans les mauvais moments. Les gouvernements voudront sans doute renflouer leurs coffres. Les municipalités veulent percevoir des taxes, peu importe la nature des activités des entreprises. Parlez-en au Conseil municipal de la Ville de Saguenay.

Si comme on vient de le voir, certaines conditions objectives changent et peuvent représenter un contexte favorable à la transition, il demeure que le système capitaliste a tendance à se restructurer pour tenter de s’adapter, comme il le fait périodiquement à chacune de ses crises. Avec chaque fois toujours davantage de perdants.

Mais alors, comment sonner l’alarme de manière à convaincre les leaders politiques de l’absolue nécessité d’effectuer un virage radical maintenant, si l’on veut éviter le pire dans 10, 20, 30 ans, sans parler de +4, +6, +8 degrés au tournant du siècle ? Comment convaincre le PM Legault que son fameux Plan pour une économie verte ne fait pas le poids alors que de récents rapports affirment que l’augmentation de 1,5 degré que les accords de Paris veulent éviter avant 2,100 sera atteinte en 2030 ?

Ou mieux encore, devrais-je dire, comment exercer notre pouvoir collectif, maintenant, comme peuple, de manière à nous assurer que soient prises les décisions politiques qui s’imposent en réponse à l’urgence climatique ?

La démocratie, c’est encore le pouvoir du peuple, par le peuple, pour le peuple. Pour que ce bel énoncé soit une réalité, il est nécessaire que le peuple soit conscient de son pouvoir. Condition subjective oblige.

Il y a encore certainement un immense travail à faire pour convaincre d’abord et avant tout la population de l’urgence climatique et de la nécessaire transition écologique. En fait, les québécois·e·s semblent plus convaincu·e·s de celle-ci, que prêt·e·s à poser des gestes conséquents. Il reste un coup de pouce à donner.

Cette condition, subjective, a des chances d’évoluer dans le bon sens depuis la crise provoquée par la pandémie. Combinée aux conditions objectives décrites plus avant, elle offre des chances de faire venir la transition.

Cette crise a chamboulé nos vies du jour au lendemain. Elle a provoqué d’innombrables manifestations de solidarité et d’adaptation. Elle a favorisé des prises de conscience. Elle aura sans doute aussi des effets néfastes, notamment au plan matériel, social et psychologique, surtout pour les plus vulnérables. Elle a changé nos modes de communication et nos conditions de mobilisation. Il est nécessaire de mettre en lumière et à contribution toutes les opportunités que cette crise nous ouvre en direction de la transition. Et surtout, il nous faut rebondir sur ces nouvelles conditions, la clairvoyance et la fougue de notre jeunesse et sur tout ce qui existe déjà comme mouvement écologique, regroupements citoyens et partis politiques progressistes pour générer une gigantesque vague de fond.

Un mouvement de fond

Les conditions objectives et subjectives évoluent en faveur d’une transition écologique. Mais elles sont susceptibles d’être court-circuitées par le productivisme et le consumérisme qui n’attend que son rebond.

Il faut comprendre que la transition ne sera pas une partie de pêche ni un salon de thé. Car il y a de gros intérêts en jeu, notamment dans les énergies fossiles, et ceux qui dominent actuellement le monde sont prêts à mener une lutte sans merci.

Seul un grand mouvement citoyen et politique de fond permettra à notre économie de s’élancer dans la transition écologique.

Plus on repousse le nécessaire virage, moins nous serons en contrôle de nos moyens pour répondre aux conséquences du réchauffement et plus il y aura de dommages et de pertes humaines. Plus vite on s’y met, plus nous pourrons prévenir les catastrophes et plus il y aura de démocratie, de bien commun, de créativité et plus nous aurons le contrôle sur nos vies.

Une vérité de l’histoire nous enseigne que ce sont les mobilisations populaires qui font les révolutions. Car c’est de cela qu’il s’agit.

____________

Ce texte a été écrit dans une première version le 6 avril 2020 et révisé le 5 janvier 2021

La vie d’Anthony Paul Dostie : un héros de la révolution américaine, un modèle d’inspiration

par Pierre Dostie

L’histoire de cet homme peu ordinaire a d’abord attiré mon attention du fait qu’il appartient à la même lignée de Pierre Debellot dit Dostie, l’ancêtre de tous les Dostie d’Amérique.

Il existe une biographie de ce célèbre américain, écrite de la main d’Emely Hazen Reed, et publiée en 1868[1]. Après m’être assuré que l’œuvre était libre de droit, j’en ai fait la traduction. Il existe par ailleurs un livre décrivant l’émeute sanglante[2] au cours de laquelle le Dr Dostie – dentiste de sa profession — fut assassiné pour avoir, en plus de lutter contre l’esclavage en Louisiane du temps de la guerre de sécession, milité pour le suffrage universel, et donc la reconnaissance du droit de vote pour tous et toutes, dont les anciens esclaves affranchis.

La Louisiane, esclavagiste depuis le début du 18e siècle, s’est engagée dans l’indépendance américaine en 1783. La déclaration d’indépendance affirme entre autres que « tous les humains sont égaux », mais les esclavagistes ne l’entendaient pas ainsi. Des États du Nord ont affranchi graduellement les esclaves. En janvier 1861, la Louisiane est entrée en sécession avec plusieurs autres États du Sud, à la recherche de leur indépendance des États-Unis et afin de maintenir leur régime esclavagiste. L’armée des États-Unis battit les sécessionnistes et la Louisiane revint dans l’Union en avril 1862. Le Président Abraham Lincoln proclama en septembre 1862 la fin de l’esclavage, qui fit l’objet d’un amendement constitutionnel en décembre 1865.

Pendant les années de la sécession et au moins jusqu’au massacre du 30 juillet 1866, la vie fut un véritable enfer en Louisiane, et plus particulièrement à La Nouvelle-Orléans, pour les progressistes du Parti républicain – les temps ont bien changé – et pour un groupe de personnes qui faisait la promotion non seulement de la fin de l’esclavage, mais de l’établissement du suffrage universel. Les dirigeants esclavagistes, qui avaient mené la guerre à l’Union pendant la sécession, se sont retrouvés dans les postes stratégiques de Gouverneur de l’État, maire de La Nouvelle-Orléans, Shérif, juges, etc., après le retour de l’État dans l’Union, et ce, avec la complicité du Président Andrew Johnson, ancien vice-président et promu au poste de chef de l’exécutif suite à l’assassinat d’Abraham Lincoln, le 14 avril 1865.

Cette trahison du Président Johnson a culminé par un bras de fer entre ce dernier et le Congrès qui a su en fin de compte se faire le gardien de la Constitution et des droits et libertés. En annexe au livre, l’on trouvera le rapport, commandé par le Congrès, sur les événements du 30 juillet 1866, alors qu’une assemblée constituante de délégués s’affairait en toute légalité, à préparer les changements à la Constitution de la Louisiane, qui allait assurer le suffrage universel dont étaient privés 4 millions de noirs récemment affranchis mais toujours persécutés par les esclavagistes.  Des centaines d’émeutiers armés, avec la complicité de la police, ont envahi les lieux et littéralement massacré les délégués à cette convention. Le rapport identifie les responsables de ce carnage, avant de commander le renforcement des institutions démocratiques, notamment par une plus grande protection militaire fédérale.

Anthony Paul Dostie était un homme entier, un passionné, un patriote amoureux de son pays, un homme érudit, cultivé et un grand humaniste. On trouve dans ce livre nombre de ses discours patriotiques républicains qui ont su toucher les cœurs et soulever les foules. Il a su tenir le phare et combattre pour les principes républicains malgré les menaces et la répression, ainsi que les représailles de toutes sortes. Son assassinat fut affreusement brutal et ses souffrances atroces. Il resta malgré tout indulgent envers ses assaillants à qui il pardonna.

Le massacre du 30 juillet 1866 était un événement planifié qui a coûté la vie à une centaine de personnes et fait plus de 400 blessés. Nous savons maintenant que ce ne fut pas en vain. Les dernières paroles de Dostie furent d’ailleurs : « Que le bon travail continue ».

On peut aussi consulter la page Wikipédia sur Anthony Paul Dostie


Pour télécharger ici gratuitement le livre

On peut également le trouver dans la collection des Classiques des sciences sociales.

___________

[1] Hazen Reed, Emily (1868). Life of A. P. Dostie, or, The Conflict of New Orleans. New York : WM P. Tomlinson.

[2] Hollandsworth Jr., James G. (2004). An Absolute Massacre: The New Orleans Race Riot of July 30, 1866 

Pour en finir avec la « convergence » ratée, pour regarder vers l’avenir

Pierre Dostie

Article paru dans la revue l’Action nationale, de Novembre-Décembre 2018

Dans Le Devoir du 10 octobre, Réjean Hébert propose de créer l’Union solidaire, de la fusion de Québec solidaire et du Parti québécois[1]. Le 20 octobre, le député du Bloc québécois Michel Boudrias propose de fusionner QS, le PQ et le Bloc, afin de regrouper les forces indépendantistes[2]. Si ces vœux sont légitimes et relèvent du désir d’unir les forces pour réaliser le pays, ils sont cependant une formidable fuite en avant en ce qu’ils négligent complètement de tenir compte des raisons de nos différences fondamentales, et la nécessité – toujours capitale – de construire des alliances sur la base d’une stratégie commune d’accession à l’indépendance. Sans compter que ces efforts de rapprochement ne peuvent faire l’économie d’une alliance avec les Premières nations.

Évitons d’ajouter à la confusion

Depuis longtemps, une confusion occulte le processus de redéfinition du projet d’indépendance du Québec et de recomposition du mouvement indépendantiste. Ce processus est en cours depuis longtemps. La première responsabilité des indépendantistes est de prendre le temps de faire l’analyse des faits, de faire des bilans. Seule cette étape des bilans peut mener à celle d’une reconnaissance mutuelle et d’une réelle recherche d’une stratégie commune, qui soit au service des intérêts supérieurs de la nation.

On a beaucoup parlé, et en particulier le chef du PQ pendant la récente campagne, de la fameuse « convergence ratée » par la supposée « signature reniée de QS ». Il y a dans ces affirmations une énorme confusion, sciemment entretenue ou non, qui a néanmoins causé un tort important au mouvement indépendantiste. C’est pourquoi il importe aujourd’hui de revenir sur certains faits.

La feuille de route des OUI court-circuitée

À l’automne 2015, les Organisations unies pour l’indépendance (OUI) avaient donné le coup d’envoi d’un processus conduisant à la rédaction d’une feuille de route, soit une stratégie commune d’accession à l’indépendance. Un an plus tard, Jean-François Lisée, élu chef du PQ le 7 octobre 2016, s’engage à ne pas tenir de référendum sur l’indépendance avant 2022. Ce retour à la stratégie du « bon gouvernement provincial » affectera non seulement son parti, mais tout le mouvement indépendantiste. Car il se trouve alors à imposer unilatéralement un nouvel échéancier à la feuille de route, sur laquelle, les partenaires acceptent malgré tout de continuer de discuter.

Mais on savait déjà que ce ne serait pas aux élections de 2018 que la convergence souverainiste pourrait se faire, QS et Option nationale ayant la ferme intention d’en faire un enjeu majeur. Lisée voulait néanmoins entraîner QS dans sa stratégie de convergence provincialiste.

Le 29 mai 2017, des élections partielles sont rendues nécessaires dans Gouin à la suite du départ de Françoise David. Pour montrer son « ouverture » envers QS, Lisée choisit unilatéralement de ne pas présenter de candidat en espérant un retour d’ascenseur aux élections générales prévues un an plus tard. Les sondages mettent le PQ perdant de toute façon devant Gabriel Nadeau-Dubois, qui l’emportera finalement avec 70% des voix. Lisée s’évitera ainsi l’humiliation de la défaite tout en donnant l’impression d’être beau joueur face à QS, à qui il fait des propositions par médias interposés, mais sans jamais rencontrer sa direction.

Le Congrès de QS de mai 2017 :

L’alliance provincialiste est rejetée

Dans les jours qui ont précédé l’élection de GND, le Congrès de QS (19-22 mai) s’est prononcé sur trois questions d’importance : d’abord la proposition de convergence du PQ pour l’élection de 2018, puis la feuille de route des OUI. Enfin le projet de fusion avec ON. Pour ce qui est des deux premières, il est quand même assez schizophrénique qu’elles aient été débattues séparément. Mais tout compte fait, cela est attribuable au fait que le chef du PQ en a fait deux questions séparées, soit en reportant le référendum à 2022 et en proposant une alliance à QS de « bon gouvernement provincial » entre-temps.

La première question à être débattue fut celle de l’alliance possible avec le PQ. Ce parti qui voulait essentiellement battre les libéraux sans plan d’action pour réaliser l’indépendance. On semblait s’être entendu sur la feuille de route des OUI, mais sans calendrier avant 2022. Alors que c’est sur la base de cette même feuille de route qu’une entente électorale aurait pu être envisagée. Pour les congressistes, l’option favorable à une alliance lors des élections de 2018 comprenait quatre conditions qui n’étaient pas impossibles à rencontrer à l’exception de celle portant sur le processus d’accession[3]. Ce fut donc rejeté.

On a fait grand cas de l’agressivité ou des accusations de racisme que certaines personnes ont pu exprimer envers le PQ au cours de ce congrès. Bien que déplorables, ces comportements étaient néanmoins marginaux et n’ont pas constitué l’essentiel de l’argumentaire.

Cafouillage sur la feuille de route

Concernant la feuille de route des OUI, les représentants de QS avaient effectivement signé l’entente de principe. Celle-ci correspondait en partie avec la stratégie préconisée par QS, soit la convocation d’une Assemblée constituante, mais qui s’en distinguait au moins sur deux plans :

– La feuille de route prévoyait que le mandat à donner à cette Assemblée soit fermé, c’est-à-dire de rédiger une Constitution d’un Québec indépendant, alors que par deux fois, le Congrès de QS avait adopté un mandat ouvert, soit sans statut prédéterminé;

– La feuille de route prévoyait que les membres de l’Assemblée constituante seraient nommés par l’Assemblée nationale, certains d’entre eux pouvant possiblement être élus, contrairement au programme de QS qui prévoit qu’ils devraient être élus au suffrage universel, à parité et représentatifs de la composition de la nation québécoise.

On peut raisonnablement s’interroger sur les motifs qui ont poussé les représentants de QS à signer la feuille de route, sachant que ces deux dispositions allaient à l’encontre des résolutions du parti, c’est-à-dire des membres. On est en droit de penser qu’ils n’auraient pas dû signer, et expliquer aux partenaires qu’il y avait là un os et qu’il fallait retourner devant les membres au préalable. Ou alors qu’ils assument leur signature et se présentent devant les membres pour la faire entériner ou rejeter. Au lieu de cela, les dirigeants du parti ont commis l’erreur – qu’ils ont reconnu par la suite – de camoufler l’affaire en espérant gagner du temps. Ils ont voulu également éviter de contaminer les débats sur la proposition d’alliance électorale débattue au même congrès. C’est pourquoi ils ont demandé aux partenaires signataires de suspendre la publication de l’entente en espérant pouvoir la faire entériner plus tard. Pensait-on aux négociations à venir avec ON et à l’évolution que l’on sentait sur cette question parmi les membres à ce sujet ?

Quoi qu’il en soit, cafouillage ou pas, la question de la feuille de route n’avait absolument aucune incidence sur la campagne électorale à venir, puisqu’elle ne comportait aucun calendrier et que le PQ l’avait repoussé à 2022. Le retrait de la signature, non pas par le Politburo comme l’a dit Lisée, mais par le Comité de coordination national, n’avait rien à voir avec la proposition d’alliance électorale du PQ pour 2018.

Mandat de fusion avec ON

Au congrès toujours, le troisième sujet d’importance qui a été traité à ce Congrès fut la décision d’entreprendre formellement les négociations de fusion avec Option nationale et d’accepter, dans le cadre de ce processus, de reconsidérer notre position sur le mandat « ouvert » ou « fermé » à donner à l’Assemblée constituante. Le 2 décembre 2017, QS adoptera l’entente de principe relatif à cette fusion, qui contient un mandat « fermé » à l’Assemblée constituante, à plus de 80%. Le 10 décembre, ON avalisera l’entente de fusion à plus de 90%.

Les raisons du rendez-vous manqué

En rétrospective, on est à même de réaliser que le rendez-vous de la convergence a été manqué pour deux raisons. La première, parce que le chef du PQ a court-circuité la feuille de route des OUI en imposant le calendrier de 2022. La deuxième, parce que ce dernier a réduit le projet de convergence à une alliance provincialiste de « bon gouvernement », extirpant celle-ci de ce qui l’aurait rendue possible, soit une stratégie d’accession à l’indépendance, et en mettant de la pression par médias interposés. Par ricochet, ce court-circuitage est aussi venu perturber le processus démocratique au sein de QS, dont le congrès n’a pas eu à se prononcer sur un véritable projet de convergence électorale comprenant un processus d’accession à l’indépendance. Certes, le cafouillage de la direction de QS à propos de la feuille de route ne fut pas sans conséquence. Il fut exploité à outrance, et ce, pour occulter le fait que cette feuille de route n’avait aucun calendrier et qu’il fallait, au demeurant, en suspendre l’application parce que certaines dispositions allaient à l’encontre de décisions prises antérieurement.

Une avancée occultée

Tandis que la fusion de QS et ON a rapproché le parti de la feuille de route des OUI, le chef du PQ a choisi plutôt de multiplier les intrigues à propos de QS et d’alimenter la confusion à propos de la « convergence ratée ». Une opération de démagogie qu’on constate improductive, incluant sur le plan électoral pendant la campagne de 2018 où on a vu réapparaître des arguments de peur dignes de ceux dont les péquistes ont été eux-mêmes victimes dans les années 1970. Peine perdue. La « machine à perdre » a donné ses résultats une fois de plus. La « clientèle » péquiste s’étant abstenue, ou encore a voté largement pour la CAQ, leur vote s’étant libéré de lui-même avec le report du référendum. Dans Le Quotidien du 5 octobre[4], Jean-François Cliche démontre, chiffres à l’appui, que le PQ n’a pas eu besoin de QS pour perdre. Comme toujours. Or, nous voilà de nouveau à entendre l’appel à l’unité. Retour obligé au calendrier de 2022, pendant que des membres de part et d’autre se dévisagent sur le terrain, sans parler des procès qui se déroulent sur les réseaux sociaux.

Perspective

Nous connaissons un important processus de redéfinition du projet d’indépendance et de recomposition du mouvement indépendantiste. Un processus qui est amorcé depuis au moins 20 ans, soit depuis la fondation du Rassemblement pour une alternative politique en 1998, qui a conduit ultimement à la fondation de QS et au développement qu’on observe aujourd’hui. Les résultats de la dernière campagne en sont l’éloquente illustration.

Les blessures vécues dans les dernières semaines sont encore vives.

« Pressons-nous lentement », disait l’autre, laissons retomber la poussière et guérir les plaies. Essayons de comprendre la signification du déclin du PQ et de la croissance de QS. Faisons une analyse approfondie de nos organisations et de l’ensemble du mouvement indépendantiste.

Ne cherchons pas à éliminer nos différences. Nos partis ont leur raison d’être. Travaillons à une stratégie commune d’accession à l’indépendance et à un projet de pays, et nous verrons ensuite le degré et la forme que pourront prendre nos alliances éventuelles. La feuille de route des OUI est un excellent départ. Les OUI sont un cadre incontournable pour faire ce nécessaire exercice.

Reprenons graduellement le dialogue comme de véritables partenaires, cela veut dire ne pas imposer d’agenda aux autres. Travaillons donc ensemble dans le cadre des OUI, sans court-circuiter leurs travaux par des propositions parallèles ou par médias interposés.

Renforçons la composante citoyenne des OUI, la seule qui puisse véritablement représenter un rempart aux intérêts particuliers des partis, et qui puisse recadrer ces derniers autour des intérêts supérieurs de la nation.

Surtout, solidarisons-nous avec les Premiers peuples, qui sont les premiers, et depuis plus longtemps que nous, à être assoiffés de souveraineté, et construisons une grande alliance des nations du Québec.

À défaut de quoi, il vaudrait mieux jeter la serviette.

Pierre Dostie,

Ancien membre du Comité national de coordination de QS, ancien Porte-parole de l’union des forces progressistes et du Rassemblement pour l’alternative politique, et ancien candidat dans Chicoutimi.

________

[1]Réjean Hébert. Pour une union solidaire. Le Devoir, 2018-10-10.

[2]Michel Boudrias. Les indépendantistes et l’obligation d’agir. Le Devoir, 2018-10-20.

[3]1) la réforme du mode de scrutin; 2) la fin de l’austérité et le réinvestissement massif dans les services publics et les programmes sociaux; 3) une transition écologiste et la fin du développement des hydrocarbures et 4) un projet politique inclusif pour la réalisation de la souveraineté qui condamne toute politique stigmatisant les groupes minoritaires, en particulier les groupes racisés.

[4]QS qui rit, PQ qui pleure ? Le Quotidien, 5 octobre 2018.

Les luttes environnementales passées pour inspirer celle contre le projet Gazoduq – Énergie Saguenay

Pierre Dostie[1]

Article paru dans la revue L’Action nationale de juin 2019 (mise à jour 2019-06-08)

Les luttes citoyennes liées à l’environnement et à l’énergie (principalement le gaz) ont connu divers contextes, enjeux stratégiques et ont pris diverses formes depuis une vingtaine d’années. Un solide mouvement social s’est construit à même ces luttes au fil des ans[2]. Au moment où le Québec fait face à une nouvelle offensive des vendeurs d’énergie fossile, et où, plus que jamais, sonne l’alarme de l’urgence climatique, il peut être utile de rappeler quelques acquis de luttes victorieuses ayant un potentiel d’enseignement pour celle qui s’amorce dans l’Abitibi-Témiscamingue, la Mauricie et plus spécifiquement le Saguenay—Lac-Saint-Jean, autour de Gazoduq – Énergie-Saguenay. Cet exercice est exploratoire et méritera d’être approfondi pour en dégager des pistes de travail concrètes pour la lutte d’aujourd’hui.

Si la bataille de Rabaska (2003-2013) concernait un projet d’importation de gaz naturel en provenance de l’Asie, exploité par une entreprise Russe, pour soi-disant répondre aux besoins de l’Amérique du Nord et du même coup réduire notre impact sur le climat (sic), le projet Gazoduq – Énergie-Saguenay, est lui, un projet poursuivant exactement l’objectif inverse, soit exporter le gaz (de fracturation en majorité) en grande partie depuis l’Amérique du Nord vers les marchés de l’Europe et de l’Asie. En 10 ans, d’importatrice de gaz, l’Amérique est devenue exportatrice.

Et si l’opposition au projet de port méthanier près de Lévis a été l’objet d’une mobilisation épique, l’élément qui a finalement cloué le cercueil du projet Rabaska est la baisse drastique du prix de gaz sur le marché.

Une guerre commerciale qui fragilise la démocratie

C’est dire la vitesse avec laquelle les capitalistes nord-américains, étasuniens surtout, se sont employés à fracturer le sous-sol et menacer la nappe phréatique pour générer la surproduction de gaz qu’ils veulent aujourd’hui exporter vers l’Europe et l’Asie, et si possible devancer leurs compétiteurs russes et faire beaucoup d’argent. Mais le prix ne remonte pas aussi vite qu’ils le souhaitent et ce qui aiderait ces investisseurs, qui tentent de se présenter en bienfaiteurs et champions de l’écologie, serait d’écouler une partie de leur surplus de gaz et ainsi favoriser la hausse des prix. Les investisseurs étasuniens auraient un plus beau sourire. Le Président Trump également, car il « exerce d’intenses pressions sur l’Europe pour qu’elle remplace l’approvisionnement en gaz en provenance de la Russie par du gaz de schiste venant des États-Unis[3] ».

Si, en 2008, on essayait de nous faire croire que le gaz était une solution de rechange acceptable au pétrole, aujourd’hui, on essaie de nous convaincre qu’il s’agit d’une énergie de transition. Ces affirmations sont néanmoins contestables. Comme on le sait, pour le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), toutes les énergies fossiles devraient rester dans le sol, afin de sauver l’humanité d’une crise climatique annoncée.

À plus forte raison qu’il est aujourd’hui possible de produire de l’énergie propre à prix compétitif. Mais ça, c’est évidemment une autre filière, celle des compétiteurs, celle des solutions de rechange aux hydrocarbures.

Depuis une vingtaine d’années donc, l’exploration et l’exploitation des énergies fossiles, telles que le gaz et le pétrole de fracturation, montent en flèche. Avec elles s’accentue un problème de transport (train, pipelines ou gazoduc) avec les risques que cela comporte (ex. tragédie de Lac-Mégantic) et l’invasion de nouveaux territoires d’exploitation (ex. Gaspésie) ou de passage (ex. le projet d’Énergie Est, Abitibi-Témiscamingue, Mauricie, Saguenay—Lac-Saint-Jean).

Ce n’est ni plus ni moins qu’une sale guerre commerciale que mène « Énergie fossile Saguenay[4] » à ses compétiteurs (ex. la gazière russe Gazprom ou encore la filière de l’énergie propre) pour écouler son gaz naturel liquéfié (GNL).

Quel avantage avons-nous à participer à cela, à prendre autant de risques pour cela ?

Enfin, les lobbies du gaz et du pétrole prennent d’assaut les gouvernements et désinforment les populations en vue de détourner nos sociétés des solutions émergentes (solaire, éolien, etc.) en matière d’énergies renouvelables. « Le résultat global a été l’affaiblissement de nos démocraties[5] ».

Une culture de dépendance en héritage

Au Royaume des Company town, on a l’habitude de la dépendance et de la complaisance envers les investisseurs étrangers qui pompent nos ressources pour les transformer ailleurs en échange de bons emplois bien payés. « On ne mord pas la main qui nous nourrit » et dans l’ensemble, nos élites locales et régionales l’ont bien compris. C’est pourquoi certains conseils municipaux ou de MRC s’empressent de collaborer (dézoner par exemple) avant même qu’on leur fasse la demande. Les syndicats ne s’opposent pas d’emblée à ces projets qui pourraient représenter de l’emploi pour leurs membres, du moins pendant la construction. Par ailleurs, une pétition en faveur des projets aurait obtenu 10,000 signatures, etc.

Et là, ce sont trois mégas projets qui s’annoncent (Gazoduq – Énergie Saguenay, Ariane phosphate, Métaux Black Rock) et qui représentent une menace pour le Fjord. Les élus municipaux pensent à leurs taxes, les commerçants à leurs affaires. La population espère des emplois et des retombées.

Mais voilà qu’en 2021, c’est une véritable pénurie de main-d’œuvre[6] qui nous guette et dans laquelle nous sommes déjà. L’argument des jobs a la couenne dure. Des jobs, c’est tout ce qu’on pouvait espérer du soi-disant développement économique par le passé. Mais on en est plus là. Aujourd’hui on ose parler de développement durable, d’économie circulaire, d’économie sociale et solidaire, de valorisation et de transformation de nos ressources, de souveraineté alimentaire, etc.

Enjeux, stratégies et organisation

Deux visions du monde s’affrontent ici. En contradiction. Dans ce contexte, comment la population, et comment les mouvements sociaux peuvent-ils se faire une idée juste des enjeux en présence ? Et, en toute connaissance de cause, comment pouvons-nous le cas échéant contrer ces projets, comment peut-on définir notre message, s’organiser, quelles stratégies privilégier, comment réussir notre mobilisation et nos actions ? Quelles solutions de rechange pouvons-nous proposer ?

Leçons à tirer de quelques luttes environnementales

Si l’on se réfère à la lutte exemplaire et victorieuse qu’a menée la Coalition SOS Parc Orford contre la privatisation partielle du parc national du Mont-Orford qui s’est déroulée entre 2006 et 2007, on peut voir comment cette coalition a réussi à développer une identité collective autour de la lutte :

« Pour convaincre la population du bienfait de leurs opinions et démarches, les membres de la coalition ont développé des arguments rigoureux et pris soin de répondre systématiquement à ceux des promoteurs. Ainsi, tour à tour, des arguments environnementaux, historiques, économiques, légaux et culturels sont développés pour définir et défendre la position de la coalition. Cet argumentaire a permis de créer plusieurs ‘Nous’,réunis autour du même but : ‘nous, les artistes préoccupés par l’héritage laissé à nos descendants’, ‘nous, les environnementalistes inquiets de la protection des écosystèmes’, ‘nous, les utilisateurs des parcs nationaux soucieux de leur préservation’, ‘nous, les partisans du développement durable opposés au développement économique à outrance’, etc. » [7]

De plus, Philippe Dumont de Boréalisation[8] a souvent donné l’exemple de luttes contemporaines qui mobilisent la population et qui ont un caractère territorial. Ainsi, plusieurs « Nous » peuvent être concernés, avec chacun leur argumentaire propre, et référant à son territoire respectif.

L’identité et le territoire comme catalyseur

Les notions d’identité et de territoire se vérifient parfaitement, par la présence des collectifs formés de citoyen.ne.s provenant des localités des deux rives longeant le Saguenay, du Lac-Saint-Jean jusqu’à Tadoussac (collectifs locaux de l’Anse-à-Pelletier, de la Batture, de Sainte-Rose-du-Nord, du Bas-Saguenay et de l’Estuaire, etc.) qui sont reconnus et qui participent à la Coalition Fjord, une coalition non partisane en formation depuis l’automne 2018, et que nous décrirons un peu plus loin. Ces collectifs sont mobilisés sur des enjeux liés à la sécurité, l’intégrité écologique du Fjord, de son paysage et du Parc marin, la protection du béluga, le développement local, le tourisme, la qualité de vie, etc.

D’autres identités avec ancrage territorial ont également intérêt à faire un travail d’information, de conscientisation, à se mobiliser et à se fédérer avec les autres :

– La population régionale, favorable à la préservation du Fjord, son écosystème, la protection de sa flore et de sa faune, notamment du béluga, une espèce menacée, extrêmement sensible au bruit, lequel sera accentué avec l’augmentation du transport maritime;

– L’industrie touristique dans son ensemble, un moteur économique qui assure le revenu de pas moins de 16,000 personnes, et plus particulièrement le tourisme social et d’aventure;

– Les communautés autochtones, dont les Innus et les Algonquins, qui ont des droits territoriaux ou ancestraux;

– Le monde agricole, les bleuetières, les chasseurs, pêcheurs et trappeurs, qui seront perturbés par le passage de l’oléoduc;

– Etc.

Enfin, d’énormes dangers (ex. explosion, fuite) guettent la population et les écosystèmes autour de l’usine de liquéfaction et le long du Saguenay jusqu’au fleuve (circulation de super méthaniers).

Le droit du Québec de prendre ses décisions face à un enjeu national et international: les GES

Si l’on considère le projet de Gazoduq – Énergie Saguenay, le gazoduc traversera le Québec, qui a rompu avec l’exploitation du gaz de fracturation sur son territoire (depuis le moratoire), mais qui, paradoxalement, en exportera à la tonne. De plus, augmenter la consommation de GNL risque de compromettre la lutte au changement climatique ou au mieux, y contribuerait si peu. Au plan national, mais aussi et peut-être surtout à l’international.

Le Québec n’a pas tous les pouvoirs pour bloquer ces projets, qui relèvent aussi de l’Office national de l’énergie (oléoduc interprovincial), de l’Agence canadienne d’évaluation environnementale, ou des installations portuaires qui sont de juridiction fédérale et qui penchent en faveur de l’État pétrolier canadien.

On oublie souvent d’ailleurs que l’oléoduc 9B albertain se rend déjà à Montréal, et que le Premier ministre du Québec a tenté de calmer son homologue albertain, à l’attitude de plus en plus agressive envers le Québec – en français svp – en le lui rappelant, et en soulignant qu’il favorisait le projet de Gazoduq – Énergie Saguenay. Ici encore, l’intérêt national du Québec est en contradiction frontale avec l’État pétrolier canadien, mais notre PM a une attitude molasse dans la situation.

Dans un même ordre d’idée, le projet de loi fédéral C-69 resserrant les évaluations environnementales, qui empiète davantage sur les compétences des provinces, rencontre une opposition mitigée du ministre québécois Benoît Charette[9].

Cela signifie que la lutte aura avantage à se mener également au palier national, avec un leadership de plus en plus affirmé, et être également coordonnée en bonne partie par un organisme ou une coalition reconnue pour son expertise et son efficacité. Les interventions concertées de divers groupes citoyens environnementaux et organismes nationaux donnent un élan à une lutte qui apparaît déjà bien pesante sur les épaules des collectifs locaux et de la Coalition Fjord[10].

Un relais politique reflétant les intérêts nationaux du Québec aura également avantage à se manifester, notamment pour défendre le respect de sa pleine juridiction en matière environnementale comme son droit de décider ultimement. La défense de l’identité nationale et de sa souveraineté, ainsi que la protection de l’intégrité du territoire québécois, pourrait ici trouver une matière féconde. Espérons que la campagne électorale fédérale qui s’amorce nous en donnera l’occasion.

Un relais international est également souhaitable, car le gaz a été extrait et sera brûlé à l’étranger, et il entrera ultimement dans le calcul des GES à l’international. Une autorité internationale doit donc être interpellée et se manifester.

Un enjeu de développement local, régional et interrégional

La lutte est aussi, locale, régionale et interrégionale, elle doit également donner lieu à des actions et à une coordination spécifique à ces paliers. Au plan régional, un « Nous » fort, qui inclus des personnes et organismes de diverses appartenances, incluant des syndicats, des élus locaux, régionaux et nationaux (Assemblée nationale et Chambre des communes) qui parlent d’une seule voix, comme on l’a vu dans d’autres luttes (gaz de schiste, Suroît, Mont-Orford, Énergie Est), serait hautement souhaitable, bien que cela représente, comme on l’a vu, un extraordinaire défi au Saguenay—Lac-Saint-Jean. Le conseiller de Saguenay Simon-Olivier Côté, les députés de Québec solidaire, le Bloc québécois et le député de Jonquière Sylvain Gaudreault ont récemment tracé la voie à suivre[11].

L’enjeu du développement local et régional oppose ici deux visions : l’une extractiviste, basée sur des investissements étrangers, visant à faire passer sur le territoire une ressource controversée, qui risque de générer des dommages irréparables, extraite ailleurs que chez nous et destinée à l’exportation; l’autre, basée sur une économie à échelle humaine, circulaire, visant à transformer nos ressources locales et régionales (forêt, agroalimentaire, etc.), à renforcer les secteurs du tourisme, de la culture, des énergies émergentes, de l’économie de l’immatériel, etc., pour répondre aux besoins de la population et augmenter son autonomie. L’enjeu de l’appropriation collective et de la diversification d’une économie durable, au service des humains, contre des intérêts privés, étrangers, qui menacent l’intégrité du Fjord, et à terme, celle de l’humanité.

Par-dessus tout un enjeu démocratique

Comme ce fut le cas pour l’exploitation des gaz de schiste, nous sommes placés devant un fait accompli. À la différence des luttes répertoriées, nos élites locales, elles, sont plutôt favorables alors que la population dans son ensemble a peu d’information, sinon celle diffusée par les promoteurs[12] [13].

Les processus consultatifs paraissent inutiles dans la mesure où même les rapports du BAPE sont consultatifs et où finalement ce sont dans la plupart des cas le PM du Québec et des organismes fédéraux (ONÉ, ACEE, administrations portuaires) qui auront le dernier mot dans leur juridiction recpective.

Dans un contexte où le Premier ministre du Québec se prononce en faveur des projets avant même les résultats des études d’impact et des consultations publiques, son ministre a beau rectifier le message, mais dans la perception du public, tout semble décidé d’avance[14].

Il est d’une extrême importance que des élus à Québec et Ottawa joignent leur voix à ceux et celles qui dénoncent ce déni de démocratie et qui réclament le droit du Québec de prendre ses décisions en matière d’environnement et d’instaurer un véritable processus démocratique participatif où la population aura véritablement son mot à dire.

Stratégies incontournables

Les stratégies gagnantes utilisées par les coalitions se regroupent ainsi :

L’information est un élément-clé. Le plus souvent contrôlée et déformée par les promoteurs, elle est un enjeu crucial pour la mobilisation citoyenne. Elle peut prendre plusieurs formes : sites WEB, capsules vidéo, porte à porte, réunions de cuisine, assemblées, par groupes ciblés (cf. identité et territoire).

L’Éducation populaire sur les enjeux plus globaux soulevés par les luttes (ex. urgence climatique) et la formation pour les responsables de comités ou sur des dossiers ou tâches spécifiques (ex. produire un mémoire, organiser une manif, action directe, etc.).

Les alliances avec des élus, des professionnels à l’emploi d’organismes ou entreprises concernées (ex. Hydro Québec), des personnalités publiques, des syndicats et autres mouvements sociaux.

La mobilisation (manifs, actions lors d’événements, pression, etc.) est essentielle pour manifester la détermination de la population et frapper l’imaginaire.

La base objective (concrète) et la dimension subjective (perceptions) de la lutte sont importantes. Dans la lutte contre le pipeline Énergie Est, les opposants ont réussi à démasquer les tactiques déloyales des promoteurs (désinformation, conflits d’intérêts, etc.) qui leur ont fait perdre beaucoup de crédibilité.

L‘organisation : le véhicule de l’action

« Les citoyens ont compris la nécessité de se regrouper, de travailler ensemble, de s’organiser, de structurer des comités, de faire des maillages et de construire des réseaux entre différents groupes et organisations autour de cette problématique » [15].

La structure des projets eux-mêmes influence la forme, et même la structure que prend l’organisation de la mobilisation. Les luttes contre la centrale au gaz du Suroît (2001-2004), contre le projet Rabaska (2003-2013) et contre l’exploitation du gaz de schiste (2010-2013), ont mobilisé des communautés directement touchées sur leur territoire (risques de fuite, pour la sécurité, forage, etc.) et ont permis de contester directement la direction que la stratégie énergétique du Québec prenait en faveur des énergies fossiles. La lutte a pu alors s’étendre au plan national. Cela a mené entre autres à l’arrêt du projet de centrale (Suroît) et à un moratoire sur l’exploitation du gaz de schiste. Par ailleurs, si les risques de fuite du pipeline Énergie Est (2013-2017) ont pu susciter l’inquiétude en prévoyant traverser plus de 600 lacs et cours d’eau, les éventuelles fuites anticipées du gazoduc sont, elles, présentées comme inoffensives pour l’environnement terrestre. Les dégâts seraient très dommageables en matière de GES, mais non visibles et non palpables pour le commun des mortels. Ils peuvent apparaître alors plus acceptables de prime abord.

Au Saguenay—Lac-Saint-Jean, le dragon qui menace le Fjord et ses écosystèmes a trois têtes (Gazoduq – Énergie Saguenay, Ariane Phosphate et Métaux Black Rock) ou plutôt il vaudrait mieux dire que l’on a affaire à trois dragons. Si l’on considère seulement Gazoduq – Énergie Saguenay, l’étude séparée des impacts du gazoduc et de l’usine de liquéfaction, sans compter le fait que l’on ignore les GES qui seront produits par le brûlement du gaz lui-même (en Europe ou Asie), et les impacts occasionnés par leur production (dans l’Ouest canadien), il n’est pas facile de démontrer combien cette option n’en est pas une viable pour la région, le Québec et le climat en général. Les gens du Saguenay se sentent moins directement touchés à court terme. L’impact de ce projet n’en est pas moins néfaste, mais conscientiser la population à cet enjeu demande une stratégie qui touche la fibre citoyenne. D’où l’importance de l’information et de l’éducation sur les changements climatiques, de revendiquer des études d’impact sur l’ensemble du cycle de vie du GNL, de la lutte sur le plan national et international et d’avoir des allié.e.s à tous les paliers.

La notion d’identité et de territoire peut cependant s’actualiser plus facilement dans la mission de protection de l’intégrité du Fjord et de ses écosystèmes, que défendent les collectifs locaux et la Coalition Fjord : la sécurité de la population riveraine, le paysage, le Parc marin, la protection du Béluga, le tourisme et le tourisme d’aventure, etc.

La Coalition Fjord

La Coalition Fjord s’est rassemblée en novembre 2018 à la suite de l’appel d’un groupe de personnes engagées dans des projets ou organismes environnementaux, qui a connu une belle réponse. Une centaine de personnes ont répondu. La Coalition se définit comme un « mouvement ayant pour mission la protection du Fjord, visant à informer, mobiliser et coordonner toutes les personnes préoccupées par les impacts des projets de développement industriel au Saguenay[16] ».

Les porte-parole ont fait des interventions dans les médias et assuré un suivi des événements de l’actualité jusqu’ici. Ils ont interpellé les conseils municipaux et de MRC notamment, formulé des demandes ou émis des avis lors de consultations, rencontré divers acteurs et promoteurs. Quelques manifestations ont obtenu une belle réponse de la population, des jeunes surtout.

Sur le plan de l’organisation et de la structure, l’organisme est coordonné par un Comité de liaison. À sa formation, trois comités (communication, éducation, mobilisation) ont été formés. Au printemps 2019, la Coalition a revu sa structure et fonctionne maintenant par séances de travail et assemblées se réunissant à une fréquence régulière. Les plans de travail sont tributaires des initiatives proposées par les membres et des énergies investies. La coalition n’a pas d’existence formelle ni de statuts ou règlements qui détermineraient sa composition et ses appartenances. Il semble que ce choix a été retenu jusqu’ici afin de ne pas alourdir la coalition et les épaules des membres, et pour se garder plus de marge de manœuvre dans l’action. Ses membres sont conscients que leur coalition est en processus de formation et qu’elle est en interaction évolutive avec d’autres composantes aux paliers local, régional, interrégional et national.

La formation de la Coalition est un processus qui est en phase avec celui de la lutte qu’elle mène.

Perspective

C’est toujours dans l’action que se font les prises de conscience, l’éducation, la politisation des luttes et c’est aussi dans l’action que parfois une forme d’organisation plus formelle s’impose pour un minimum d’efficacité. Pour canaliser et encadrer efficacement les énergies militantes.

Il y aurait lieu par exemple de définir plus clairement qui sont les membres, les alliés, les sympathisants de la coalition (individus, collectifs, autres organisations comme des syndicats, des mouvements sociaux ou citoyens, etc.). Différents réseaux à densité variable pourraient s’y rattacher. D’autres, alliés, se limiteraient à donner leur appui. Un minimum de règles et de structure permettrait d’en clarifier et de pérenniser le fonctionnement et la représentation, d’en renforcer la coordination de la réflexion et des actions. La structure a un effet sur l’organisation et la mobilisation.

« La structure de gestion de la coalition devra être très bien planifiée. Certaines coalitions forment un comité de direction composé d’un représentant de chacune des organisations membres, afin d’éviter qu’une organisation ne se retrouve en position dominante » [17].

Cette formalisation de la coalition pourrait lui conférer une plus grande légitimité comme acteur social, dans la mesure où l’énergie vitale de l’organisation n’est pas drainée dans l’entretien de la structure.

Ce n’est qu’un début

L’apparition de la Coalition Fjord est certes la plus belle surprise survenue au Saguenay—Lac-Saint-Jean depuis longtemps. Composée en grande partie de jeunes, mais portée également par une communauté diversifiée et en apprentissage de l’action collective sur des enjeux nouveaux et complexes, à contre-courant d’une forte mentalité héritée d’un autre temps, il est absolument nécessaire de prendre soin de ce mouvement, de l’accompagner dans son cheminement et d’en faire le porte-étendard d’un Nouveau Monde, avant qu’il ne soit trop tard.

Le Saguenay—Lac-Saint-Jean est le berceau du mouvement syndical, coopératif, de la concertation, il est le creuset de bien des talents à l’échelle du Québec. Il a maintenant besoin de toutes les énergies de changement du Québec pour gagner cette bataille, car cette bataille, c’est la bataille du Québec. Et même davantage…

__________


[1] Militant progressiste et indépendantiste, chargé de cours en travail social à l’UQAC.

[2] Ne mentionnons que l’AQLPA, le RVHQ, Coule pas chez-nous, etc.

[3] Dubuc Pierre. Les enjeux géopolitiques du gazoduc Énergie Saguenay. L’Aut’Journal, 2019-02-21  http://lautjournal.info/20190221/les-enjeux-geopolitiques-du-gazoduc-energie-saguenay

[4] Énergie Saguenay est le nom de façade que les investisseurs étasuniens ont pris pour endormir la population en lui donnant un air « local ».

[5] Favreau, Louis (2017). Le mouvement communautaire et l’État social. PUQ.

[6] https://www.lequotidien.com/affaires/pour-contrer-la-penurie-de-main-doeuvre-video-296afb3bb5ea86dd7dbb4f752aae8fd9

[7] Cloutier, Suzie (2009). Lutte contre la privatisation du Parc national du Mont-Orford. Les cahiers du CRISES. UQAM.

[8] https://www.borealisation.org

[9] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1166421/c-69-benoit-charette-ministre-environnement-comite-senatorial

[10] https://www.ledevoir.com/societe/environnement/553798/evaluation-environnement-d-energie-saguenay-mise-en-demeure-contre-le-federal

[11] https://ici.radio-canada.ca/premiere/emissions/ya-des-matins/segments/entrevue/117035/simon-olivier-cote-port-saguenay-opinion?isAutoPlay=true ; https://www.lesoleil.com/actualite/le-fil-groupe-capitales-medias/lavenir-ne-roule-pas-au-gaz-333c8008da16d7664e2e8797047b270a ; https://www.lequotidien.com/opinions/un-veritable-plan-davenir-pour-notre-region-a19cd03735324083c72cc0bf354bbd6b

[12] https://www.lequotidien.com/actualites/gazoduq-repond-aux-interrogations-b3f4366ce3127cdddda5b7e447298074

[13] https://informeaffaires.com/regional/mines-et-ressources-naturelles/tenue-de-trois-seances-publiques-dinformation-et-de

[14] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1157960/liquefaction-gaz-naturel-saguenay-ministre-environnement-charette

[15] Sauvé, L. et Batellier, P. (2011). La mobilisation citoyenne sur la question du gaz de schiste au Québec. Nouveaux Cahiers du Socialisme, No 6, « Écosocialisme ou barbarie » (sous la direction de Brouillette, V., Guay, N., Levy, A., Martin, E. et Poulin, R.) Automne 2011, p. 224-236.

[16] https://www.facebook.com/pg/CoalitionFjord/about/?ref=page_internal

[17] IFEX.Renforcer une coalition, travailler avec des coalitions. https://www.ifex.org/campaigns/working_with_coalitions/fr/

Quel développement pour le Saguenay–Lac-Saint-Jean ?

Dans le Quotidien du 29 septembre, le chroniqueur Claude Villeneuve de l’UQAC nous rappelle ce que les scientifiques crient dans le désert depuis longtemps : le climat se réchauffe bien plus vite que ce qu’on appréhendait. Ce qui rend encore plus caducs les insuffisants accords de Paris, que par ailleurs bien peu de gouvernements sur la terre peuvent se vanter d’honorer. Un urgent et radical coup de barre est nécessaire dans les 10 prochaines années.


Le même jour, Sandra Rossignol de la chambre de commerce veut nous rassurer en affirmant que le développement économique et l’environnement sont compatibles. Comme l’avaient dit avant elle certains élus locaux, répétant le message des promoteurs du méthane. Je veux bien, mais expliquez-moi comment c’est conciliable. Les scientifiques – encore ceux qu’on n’écoute pas – recommandent pourtant à tout le moins un moratoire afin de documenter ces efforts de conciliation pendant qu’il existe encore un peu de biodiversité dans le Fjord. Ils implorent de ne plus ouvrir de nouveaux sites d’exploitation des hydrocarbures, responsables de la plus grande partie des GES qui causent le réchauffement climatique.

À première vue, les humains sont plus importants que les bélugas, comme le disent certains. Un peu comme notre ancien PM Couillard l’a dit des caribous forestiers, qui ne devraient pas passer avant les emplois dans ce secteur.

Pourtant, la disparition des bélugas et des caribous forestiers est le signe de la perte de la biodiversité (plus de 60% depuis 50 ans). L’humanité étant directement menacée par la perte de la biodiversité. Mais, me dira-t-on, ce n’est pas à notre région de faire les frais de ce problème. Et puis, me dira-t-on encore, le GNL, si on ne l’exploite pas, d’autres le feront. Les autres aussi, il faudra les convaincre, car ils partagent la même planète que nous. Pelleter le problème chez le voisin n’est plus possible dans le village global.

Nous ne luttons pas seulement contre le réchauffement climatique, et pour la nécessaire transition écologique qui veut que l’on se tourne radicalement désormais vers les énergies propres à cause du retard accumulé.


Nous luttons surtout contre le déni. Le déni de celui qui ne veut pas voir. Parce que la réalité ferait trop mal. Habitués que nous sommes à la croissance soutenue et dépendants que nous sommes de la surconsommation, empêtrés que nous sommes dans un processus d’autodestruction accéléré de l’humanité. Le déni a une fonction utile dans le processus d’acceptation. Il retarde le choc de la réalité, un peu pour nous protéger d’une trop grande brutalité. Mais il arrive un moment où si l’on s’entête à refuser de voir la réalité en face, il se prépare alors un choc encore plus grand, lorsque les « seuils irréversibles » comme le dit Claude Villeneuve, seront atteints, et que nous serons en état de mesures d’urgence permanentes à cause des conséquences du réchauffement. Conséquences que nous commençons déjà à observer d’ailleurs (inondations, feux de forêt, écarts de température, etc.). Les perturbations causées par la Covid-21 ne sont rien à côté de ce qui nous attend. Alors il vient un temps où il faut reconnaître les faits. Ne répétons pas l’erreur d’ignorer les alertes données depuis 10 ans par la santé publique, avec le résultat que l’on connaît dans la gestion de la pandémie.

Le Nouveau Monde est déjà en marche. Diversifié, avec une tout autre mentalité, avec d’autres priorités, à échelle humaine. On ne peut plus construire et développer la région comme avant. Il faut aller vers d’autres stratégies. Tout comme pour les hydrocarbures dont nous avons encore besoin, mais dont les réserves sont plus que suffisantes, tournons-nous vers les solutions de rechange disponibles pour l’avenir. 

Ces temps-ci, nombreuses sont les contributions qui proposent des solutions pour une transition juste et équitable. Le Pacte pour la transition, Le Plan de traitement pour une relance en santé. Un champ de recherche s’ouvre à l’IRIS sur le sujet d’une transition écologique juste, l’IREC contribue à la réflexion au niveau des régions. Plus près de nous, un Grand dialogue pour la transition socio-écologique est sur le point de faire son lancement au Saguenay—Lac-Saint-Jean.

Ce n’est pas vrai que notre seul choix est de rester dépendants des investisseurs étrangers qui n’ont aucun intérêt à développer notre région, qui sont d’une économie du siècle passé. Ce n’est pas vrai que nous ne sommes que des porteurs d’eau, des scieurs de bois, et peut-être bientôt des passeurs de GES.

Pierre Dostie, Chicoutimi

Le 30 septembre 2020

Mémoire présenté au BAPE sur le projet d’usine de liquéfaction de gaz naturel à Saguenay

Photo de Pixabay sur Pexels.com

21 octobre 2020

Au président de la commission, M. Denis Bergeron, au commissaire, M. Laurent Pilotto,

Travailleur social, directeur de programme dans le réseau de la santé et des services sociaux à la retraite, chargé de cours en travail social à l’UQAC, père et grand-père de quatre enfants et 7 petits-enfants à qui je veux que nous laissions un environnement viable.

Je suis préoccupé par le projet de la compagnie GNL-Québec parce que :

L’urgence d’agir

  • Le climat se réchauffe plus vite que ce que l’on appréhendait (dernier rapport du GIEC)[1].
  • Les accords de Paris ne sont même plus à la hauteur. Cherchant à limiter l’augmentation de la température moyenne de 1,5 à 2 degrés d’ici 2100, on prévoit déjà que celle-ci aura augmenté de 3 degrés au moins. Les États avaient  pris des engagements qui pour la plupart n’atteindront pas leurs cibles, lesquelles étaient déjà, il faut le dire, en deçà des objectifs de l’accord, et sans être contraignantes au surplus.
  • Un coup de barre urgent doit être donné par tous d’ici 10 ans pour éviter le point de bascule. Selon le GIEC, il faudrait réduire les émissions mondiales de 45% d’ici 2030 par rapport au niveau de 2010, mais aussi ramener les émissions à zéro d’ici 2050. Cela implique de nombreux secteurs d’activité, au premier chef les énergies fossiles, incluant le méthane, dont les réserves actuelles sont largement suffisantes pour répondre aux besoins de la transition sans en poursuivre l’exploitation.
  • Il ne serait plus minuit moins une, mais plutôt minuit et cinq, selon Diego Creimer, de la fondation David Suzuki.[2]
  • Le nouveau Plan vert du gouvernement du Québec est jugé complètement insuffisant selon Normand Mousseau, une autorité en la matière[3].
  • Nous fonçons donc directement sur le mur.

Une région fracturée

  • Dans ce contexte d’urgence climatique ressentie par une grande partie de la population, ce projet exacerbe les tensions locales et régionales, au sein de la population, dont une partie reste fortement attachée et dépendante de l’industrie traditionnelle extractiviste au service des intérêts étrangers. Le développement économique de la région est précaire et la perspective des emplois, sans égards à leur nature ou leur provenance, est tentante, divisant la population et ses élus, au moment où l’on devrait se rallier autour d’un modèle de transition socioécologique du 21e siècle. Ces tensions sont palpables, alors que certains sont victimes de vandalisme sur leur propriété ou d’intense violence verbale sur les réseaux sociaux. Ici même au premier jour de la première partie de l’audience publique du BAPE, on a pu assister à une manifestation d’intimidation d’une rare intensité de la part d’une centaine de manifestants pro-GNL envers quelques opposants venus faire une installation humoristique devant l’entrée.

Impacts psychosociaux

  • Je tiens à rappeler que les impacts psychosociaux de ce projet n’ont pas été évalués comme demandé au promoteur et à votre commission. Je suis d’avis que notre région aura de grandes difficultés à surmonter cette division et à se remobiliser ensemble (les élus comme la société civile), comme elle l’avait toujours fait jusqu’à l’abolition des CRCD[4] par le gouvernement Couillard. Plus que jamais, en ce contexte de pandémie propice à la remise en question du modèle économique responsable en grande partie de la crise climatique, la mobilisation et la concertation de toutes les forces régionales sont nécessaires autour du nouveau paradigme de la transition socioécologique.

Ce projet a un impact sur l’environnement et la qualité de vie parce que :

Espèces menacées

  • L’impact prévisible sur la survie du béluga, déjà espèce menacée, accélérera la perte de la biodiversité (60% en 50 ans), ce qui constitue une menace pour la survie de l’humanité elle-même. Des scientifiques ont réclamé un moratoire[5] afin de mieux documenter les possibilités de cohabitation des activités de navigation avec les espèces fauniques menacées. Autrement, ce qui sera documenté, ce seront les impacts, probablement irréversibles, de la navigation.

Emplois vs impacts

  • Les emplois que fait miroiter le promoteur durant la construction et pour l’entretien de son usine dont la durée de vie prévue est de 25 ans ne font pas le poids comparativement aux dommages environnementaux et sociaux appréhendés. D’autant que l’avenir du développement économique et social est davantage dans la prise en charge et l’autonomie, sinon l’autosuffisance du moins partielle des régions, surtout en matière agroalimentaire et de services, ce qui est largement suffisant pour créer des emplois pour la main-d’œuvre disponible.

Ce projet n’est pas acceptable parce que :

Moratoire sur l’extraction

  • Il est en complète contradiction avec le moratoire du gouvernement du Québec sur l’exploitation du pétrole ou du gaz par la fracturation hydraulique. Exporter le même produit, bien qu’il provienne d’une autre province, revient à pelleter la neige dans la cour du voisin. Sans compter les risques que représentent les puits qui auront été fermés après leur courte vie (plus ou moins 2 ans) pour la nappe phréatique[6] et pour la santé de la population en général.

L‘énergie propre fossilisée

  • L’énergie hydroélectrique qui sera requise par l’usine de liquéfaction (550 MW), qui correspond à ce consomme une aluminerie, serait mieux utilisée dans le cadre d’une véritable politique d’électrification des transports, surtout de transport en commun. Et pourquoi pas une usine de fabrication de véhicules de transport en commun électrique ?[7] Ce qui, en passant créerait davantage d’emplois, permanents et bien payés. Au lieu de cela, cette électricité servira à liquéfier du gaz de fracturation destiné, dans le meilleur des cas, à ne pas contribuer, sinon probablement, à contrer la lutte au changement climatique. L’énergie propre devrait servir à remplacer les combustibles fossiles dans le but de réduire notre dépendance à celles-ci[8], et ainsi améliorer notre balance commerciale déficitaire dont la moitié est causée par notre importation de combustibles fossiles[9].

Énergie de transition ou de régression ?

  • Le projet aura, sur l’ensemble de son cycle de vie, des conséquences désastreuses en matière de GES. Il va à l’encontre de tous les avis scientifiques. [10]
  • Le promoteur lui-même, dans l’étude qu’il a commandée au CIRAIG, ne peut nier que son projet générera entre 46 et 72 millions de tonnes de CO2, soit l’équivalent de 60% à 100% des émissions de GES du Québec ou de 10M à 16M de voitures à essence chaque année. Les auteurs de l’étude nous mettent en garde contre les limites de leurs résultats, qui ne permettent pas d’affirmer à ce stade-ci qu’il contribuera à la lutte aux changements climatiques. Sans compter que l’étude ignore les émissions en amont (fuite des puits longtemps après leur durée de vie) et durant le transport océanique.
  • Le promoteur n’a pas démontré la carboneutralité de son usine ni que son méthane (encore plus nocif à cause du procédé de fracturation hydraulique) remplacera effectivement le charbon. Certains spécialistes affirment même que l’augmentation de l’offre de méthane pourrait contribuer à ralentir la progression des énergies renouvelables[11].

Viabilité questionnée

  • Au moment où des investisseurs délaissent de plus en plus les énergies fossiles, incluant le méthane, et à plus forte raison s’il provient de la fracturation, on peut raisonnablement se demander si même sur le plan économique, ce projet est viable. De plus, si l’on considère le bas prix actuel du méthane, se pourrait-il que le projet n’atteigne jamais sa rentabilité au cours de sa durée de vie prévue soit 25 ans ? Il serait à plus forte raison complètement inacceptable d’engouffrer des fonds publics dans le projet, comme certains appréhendent que ce soit le cas[12].

Le rôle du BAPE face au déni de l’évidence

  • Nous vivons collectivement dans un profond déni de l’urgence climatique. Le déni est une phase normale dans le processus d’acceptation. Mais nous savons que tôt ou tard, il nous faudra voir la réalité en face et plus nous retardons à reconnaître les faits, plus le choc sera grand et moins nous serons en mesure de renverser la vapeur. Les consultations doivent permettre aux citoyens, par l’entremise du BAPE, de sonner l’alarme auprès du Gouvernement en ce qui a trait à l’urgence d’agir en matière de lutte au changement climatique.
  • Les limites de juridiction ne doivent pas occulter la lucidité politique et morale dont votre commission ne peut faire l’économie. C’est trop facile de ne calculer que les GES sur notre territoire tout en pelletant ceux-ci ailleurs en les exportant. Ailleurs, c’est chez nous dans le village global qui est celui de l’humanité menacée. C’est trop facile de dire que « si on ne fait pas le projet, d’autres le feront ». Les autres aussi font partie du même village global.
  • Faire le jeu du promoteur qui morcelle son projet, ignorer que ce qui coulera dans le pipeline, sera liquéfié dans l’usine à l’aide d’une énergie propre ainsi gaspillée, et qui traversera le fjord en méthanier, avec les risques que l’on sait pour la sécurité de la population et pour la survie des espèces menacées, et qui sera éventuellement brûlé, que ce soit en sus ou en lieu et place du charbon, mais au final en générant probablement tout autant, sinon plus de GES[13], ignorer que ce produit, c’est du méthane extrait par la fracturation hydraulique, ce que nous refusons de produire au Québec à cause des risques environnementaux, cela revient à du déni, à nier l’évidence[14].

Les conséquences du réchauffement sont déjà observables (sécheresse, inondation, écarts de température, déforestation, etc.) et ce n’est que le début. Ne répétons pas l’erreur d’ignorer les alertes données depuis 10 ans par la santé publique, avec le résultat que l’on connaît dans la gestion de la pandémie.

Les perturbations causées par la COVID-19 ne sont rien à côté de ce qui nous attend. Alors, à quoi servira donc un job dans une usine de liquéfaction, dans un pays en état d’urgence permanente ?

Nos enfants, et nos petits-enfants méritent mieux que ça. Demandons-le-leur pour voir…

Lien vers la présentation web du mémoire https://www.bape.gouv.qc.ca/fr/dossiers/projet-construction-complexe-liquefaction-gaz-naturel-saguenay/webdiffusion/

le 2 novembre à 13h00, 1h16m15s  à 1h27m55s

Mémoire cote DM1512 file:///Users/pierredostie/Downloads/DM1512_p.pdf

https://www.bape.gouv.qc.ca/fr/dossiers/projet-construction-complexe-liquefaction-gaz-naturel-saguenay/documentation/?mots-cles=DM1512#filtres-recherche


[1] https://www.ledevoir.com/societe/environnement/587527/les-bouleversements-climatiques-menacent-de-rendre-le-monde-meconnaissable.

[2] Peut-on éviter le pire en matière de climat ? https://www.ledevoir.com/societe/environnement/568355/climat-ca-va-mal-que-ca-va-mal

[3] Nouveau Plan vert du Québec : « Complètement insuffisant ». https://plus.lapresse.ca/screens/bf8959f5-c88a-45ae-a323-a02a4a504392__7C___0.html?utm_content=ulink&utm_source=lpp&utm_medium=referral&utm_campaig%E2%80%A6

[4] Spectateurs de notre destin. https://www.lequotidien.com/opinions/editoriaux/spectateurs-de-notre-destin-9443026487612e1c78d76c5d3561d477

[5] https://www.ledevoir.com/societe/environnement/585216/trafic-maritime-sur-le-saguenay-des-chercheurs-reclament-un-moratoire

[6] https://www.lequotidien.com/actualites/11-des-puits-fermes-de-gaz-de-schiste-fuient-selon-une-etude-de-luqac-9ca97c88bbce0b450301dbf07d344738

https://www.lapresse.ca/environnement/dossiers/gaz-de-schiste/201101/17/01-4360735-emanations-de-gaz-de-schiste-11-puits-presentent-un-risque.php

[7] https://cdn.iris-recherche.qc.ca/uploads/publication/file/Transport_WEB.pdf

[8] https://www.lesoleil.com/opinions/point-de-vue/le-gaz-naturel-nest-pas-une-energie-de-transition-pour-le-quebec-9721e3d3e2139c2e87193063cc58b4dc

[9] https://journalmetro.com/actualites/economie/583271/le-petrole-plombe-de-plus-en-plus-le-deficit-commercial-du-quebec/

[10] Le projet GNL doit être rejeté. https://www.ledevoir.com/opinion/libre-opinion/555880/le-projet-gnl-quebec-doit-etre-rejete

127 signataires à l’UQAC contre GNL Québec https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1497712/environnement-gaz-naturel-grands-projets

40 économistes sonnent l’alarme contre GNL Québec https://www.lapresse.ca/actualites/2019-10-15/40-economistes-sonnent-l-alarme-contre-gnl-quebec

Énergie Saguenay-Gazoduq : nuisible à la santé publique https://www.lapresse.ca/debats/opinions/2020-03-05/energie-saguenay-gazoduq-nuisible-a-la-sante-publique

[11] https://www.ledevoir.com/opinion/idees/547804/le-non-sens-d-utiliser-le-gaz-naturel-comme-energie-de-transition-au-quebec

L’incohérence du projet québécois d’exporter du gaz naturel

[12] https://www.lapresse.ca/debats/opinions/2020-02-26/projet-gnl-quebec-une-industrie-dependante-des-fonds-publics

[13] https://policyoptions.irpp.org/fr/magazines/may-2019/lincoherence-du-projet-quebecois-dexporter-du-gaz-naturel/

[14] Le déni de l’évidence. Mes Aïeux https://www.youtube.com/watch?v=EXSh34OP_CU&fbclid=IwAR3wdB8FQeBxtlOxppt94_tZW9S470H8mHVrp06fFQE_PikapNPYtXvg2UE